vendredi 21 mai 2010

Crève, Beuche !


Nous aurons donc, nous aussi, goûté à la pantalonnade universelle des bits.
Nous aurons tâté du forum, nous aurons fessé le bouc, blogué jusqu'à plus soif.
Nous y serons allés de nos saillies verbales, nous aurons cru intéresser des gens, nous aurons cru être intéressés par d'autres.
Nous aurons surtout cru nous trouver, au bout du compte, un nouveau regard sur nous-mêmes.
Cons de nous-mêmes ! Cons de nous-mêmes qui n'en pouvons plus des autres cons, empêtrés dans leurs rôles à la mords-moi le noeud, leurs complaisances et leurs amnésies, leur duplicité, qui nous rappellent que nous sommes pétris du même néant qu'eux et qu'il devient impératif, pour rester vivants, de ne plus être dupes : les flatteries, les compliments, ça n'existe que pour soi.
Surtout, nous aurons ignoré à quel point Internet ne fixe rien, rend tout périssable, obsolète et mort, ignorable et ignoré dès qu'y présenté.
L'immédiateté est une grande jouissance pour qui sait s'en satisfaire, homme intègre ou salaud — pour tout autre, il devient urgent d'en sortir.
Le gentil et terriblement envahissant Beuchounet se sent faiblir : aux conneries que l'on peut écrire ici ou là, il n'a même plus le désir, l'allant, de répondre.
Il ne lui reste plus qu'à crever, gentiment, dans son coin.
Pour mieux vivre, évidemment.

samedi 15 mai 2010


Si les journées se succèdent les nuits, elles, n'existent pas — seule et unique, la nuit condescend lors de chaque petite révolution à se faire trouer la peau par le soleil pour laisser voir que, bientôt, celui-ci dévorera tout jusques à lui-même et que seule régnera la nuit, l'éternelle et infinie.
On n'y tombe pas, on n'y tombe pas, oh non, on glisse. Les yeux sur nos couilles et les mains sur nos yeux, nous glissons au rythme des beats dans la nébuleuse de la grande partouze universelle nourrie au bromure, bittes molles et chattes sèches, cuisses écartées et gueules ouvertes, merdes et cris, volutes de tombes et haleines de fosses communes pour faire danser nos agonies.
Nous nous refusons à voir les étoiles, nos visages ne peuvent plus se lever, nous aimerions bien savoir brouter, au moins, placides et sacrés, mais la gueule, c'est dans la boue détrempée que nous l'avons collée.
Tu es né poussière et redeviendras poussière, oui, mais sans plus d'eucharistie et le calice, c'est jusqu'à la lie qu'on le vomit.

vendredi 14 mai 2010

En pensant à B...


Non, non, non, passé un cap, il n'est plus possible de se retenir.
C'était dans le train, ça aurait pu être n'importe où, mais il se trouve que c'était dans le train, alors laissez-moi vous situer le cadre, bordel, au lieu d'expirer comme des baudruches gonflées par l'attente, l'attente, la vaine et puérile attente qui nous rongera les entrailles jusqu'à la dernière défécation.
J'étais assis dans le train, doucement bercé par les secousses, les cuisses caressées par le soleil couchant.
À gauche de moi, sur une autre banquette, était un être humain femelle sans forme d'une quarantaine d'années. Les cheveux filasses, secs et cassants, même pas châtains. Le teint blafard, le regard torve derrière des lunettes rondes et fines de vieille catéchiste à la retraite. Une sorte de jogging délavé.
Cette laideur pas même vulgaire ne se satisfaisait pas d'elle -même, il fallut qu'elle bouffât un sandwich, un sandwich à son image, jambon rance et pain blanc sec.
Là, on est sur le fil du rasoir, là, sur la ligne du chemin de fer.
Et elle sortit d'un sac en papier gigantesque une minuscule crêpe. Ne pouvait-elle pas en acheter plusieurs, des crêpes ? Cinq, dix, cinquante, qu'elle se goinfre, qu'elle n'en puisse plus, qu'elle soit sur le point d'imploser, qu'il se passe quelque chose dans ce corps en voie de putréfaction avant que d'avoir pu vivre, ou bien qu'elle fasse abstinence, qu'elle soit ascète, tiens, au lieu de bouffer cette merde si ce n'est même pas pour s'en remplir jusqu'à outrance !
Je me levai.
Elle ne me vit pas venir.
Je la pris par son horrible tignasse pré-cadavérique, et lui éclatai la gueule contre la vitre.
Bouffe-toi la ! Bouffe-toi la, salope ! que je hurlai ! Bouffe-toi là !
Je ne sentais même pas ses ongles dans la chair de mes avant-bras, juste mon sang doux et chaud lécher ma peau. Seuls me dérangeaient ses cris. La mort ne pourrait-elle pas être un peu pudique, parfois ? Heureusement, je vis en peu de temps la vitre commencer à se fendre, et son visage craqueler sous les larmes et le sang.
Crève, salope ! Crève !
Lorsque je ne sentis plus de résistance, je lâchai ma proie, ma douce charogne, mon ange.
Je lui caressai les cheveux pour lui découvrir son oeil tuméfié, sa joue ravagée, sa mâchoire éclatée. Je ne pus alors m'empêcher de lui faire la bise.
Je t'ai délivrée, la Chose ! Je t'ai délivrée ! Sens comme ta vie s'est intensifiée en peu de temps, sens comme la mort t'est douce à présent, vois comme ton visage est singulier, ta putréfaction concrétisée, ton âme délestée !
Soulagé par ce tableau, je me retournai vers le soleil. La nuit ne viendra jamais sur moi, jamais.

dimanche 9 mai 2010

Pas Julie Lescaut, non.


C'est ça la démocratie : quand les gonzesses commandent à la Police !

Nous n'avons pas fini d'explorer les territoires piétinés de la télévision, décidément, ni d'en extraire des richesses insoupçonnables !
Pensez donc ! — cet aphorisme, v'là-t-y pas que c'est dans Navarro, rediffusé sur TMC hier soir, que Beuche l'a chopé au vol !
Voyez plutôt : boubou et gri-gri à la main, un suspect africain (profitons-en d'ailleurs pour demander à la halde et aux officines dictatoriales soeurs de porter plainte contre les scénaristes de cet épisode), revigoré par la fameuse Ginou apportant à la fille d'un Navarro décomposé (coffrée pour avoir participé à une manifestation en faveur des chômeurs — on ne recule devant rien, chez les Navarro) des victuailles, en plein poulailler (poulailler de commissariat, hein, vous avez compris, c'est pas parce que vous ne regardez pas Navarro que vous êtes obligés d'être cons tout de même), ce suspect africain, donc, dans un grand éclat de rire, nous assène une vérité zemmourienne (eh oui) du plus grand effet.
La Mère nourricière qui outrepasse la Loi au sein même d'un commissariat devant la figure du Père, on peut pas dire, ils ont vu juste, chez Navarro !

Sous les pavés, la fange


Dans tout homme il y a un prophète, et quand il s'éveille un peu plus de mal est fait dans le monde.

Lorsqu'il écrit cela en 1952 dans ses Syllogismes de l'amertume, Cioran, voyant approcher, qui sait, Mai 68, repensait-il à ce qu'il avait écrit onze ans plus tôt dans De la France ?

La France peut encore faire une révolution. Mais sans grandeur, sans originalité et sans écho : en empruntant des mythes aux autres — à l'exemple des communistes français, les seuls à avoir la fibre révolutionnaire —, en rapiéçant des discours à l'aide de vieilles phrases, de rafistolages anarchistes et de désespoirs de petite bourgeoisie qui a perdu la tête. Il faudra, avant qu'elle n'ait totalement épuisé ses possibilités de régénération sociale, que l'ivraie — la populace — triomphe, qu'elle fasse son apparition. La vie n'existe plus qu'en banlieue. Une France prolétaire est désormais la seule possible. Sauf que sa classe ouvrière n'a ni ressource d'héroïsme ni élans renversants. La carrière révolutionnaire de la France est virtuellement terminée. Elle ne peut plus se battre que pour son estomac. L'héroïsme, qui suppose un étrange mélange de sang et d'inutilité, ne peut plus être son oxygène. Jamais un peuple aux instincts en sommeil n'a proposé à l'humanité le moindre idéal, ni même des bribes de foi. Une intelligence en éveil mais sans le soutien de la vitalité, devient l'instrument artificiel des petits faits quotidiens, de la chute dans une médiocrité sans remède.

On peut même se demander si les émeutes en banlieues HLM de 2005 ne sont pas en germe, en prévision, dans ce texte incroyable.
Sauf que Cioran a surestimé la France : plus de vitalité certes, mais plus guère d'intelligence non plus dans la révolte.
On a peine, lorsque l'on est soi-même issu de la classe ouvrière, de lire ça, de prendre conscience de ça et pire, d'être bien obligé d'admettre que Cioran a raison.
La chute dans une médiocrité sans remède... La Rédemption, allons-nous, individuellement, la conquérir, un jour ?

dimanche 2 mai 2010

Une contribution insolite au débat sur l'identité nationale



Nous sommes en 1941.
Cioran est à Paris, il s'est exilé de Roumanie après ses sympathies grandiloquentes et exaltées pour le fascisme de la Garde de fer.
Il a vu les Allemands entrer dans Paris et remonter le boulevard Saint-Michel — la petite Histoire retiendra qu'il a failli y être la premier victime, en France, des nazis, après avoir envoyé un paquet de cigarettes à des prisonniers.
Désormais, son destin sera, à lui l'apatride, inextricablement lié à celui de la France : sa déchéance par le doute.
Que ferais-je si j'étais français ? Je me reposerais dans le cynisme.
Plus loin :
La France attend un Paul Valéry pathétique et cynique, un artiste absolu du vide et de la lucidité. Et puis : Si la France ne devient pas le pays des dangereuses subtilités, nous n'avons plus rien à en apprendre. Qui trouvera la formule de ses lassitudes ?
Formidable aveu de ce que Cioran sera et fera durant le demi-siècle à venir.

Mais qu'est-ce que la France ?
Une civilisation heureuse. Comment ne l'aurait-elle pas été, elle qui n'a pas connu la tentation des départs ? N'eût été Napoléon pour mener les Français à travers le monde, ils demeureraient la province idéale de l'Europe. Il a fallu qu'il débarque de son île pour les secouer un peu. Il a su donner un contenu impérialiste à leur vanité, également appelée gloire.

Or, la France, désormais incapable de produire des mythes et de croire à des idéaux, agonise de son « excès de vie ». Et se dissout dans un lointain universel :
Si, au soir de la civilisation gréco-romaine, le Stoïcisme répandit l'idée de « citoyen du monde » parce qu'aucun idéal « local » ne contentait l'individu rassasié d'une géographie immédiate et sentimentale, de même, notre époque — ouverte, en raison de la décadence de la plus réussie des cultures — aspirera à la Cité universelle, dans laquelle l'homme, dépourvu d'un contenu direct, en cherchera un lointain, celui de tous les hommes, insaisissable et vaste.

Le Français ne vit plus, il pense et cherche sa vie. Il meurt tellement qu'il ne pense plus qu'à préserver sa vie, l'étirer, la sauvegarder. Et ne pense plus qu'au bonheur :
La poursuite insistante du bonheur, le goût pour la parade du paradis, la volonté d'étouffer le noyau amer du temps, du coeur sont les preuves d'une profonde fatigue. Dans le souhait de s'épuiser dans l'immédiat, il y a le renoncement à l'infini. Rien n'est plus gênant que de voir une nation qui a abusé — à juste titre — de l'attribut « grand » — grande nation, grande armée, la grandeur de la France — se dégrader dans le troupeau humain haletant après le bonheur.

Il y aurait encore des centaines de choses à dire de cet essai prodigieux et sublime, qui ne peut que nous faire aimer davantage encore Cioran, mais le mieux est de lire De la France et de se sentir, à son tour, au moins quelques heures, éternel apatride.

samedi 1 mai 2010

Commotions ultimes


Nous avions déjà relevé l'aspect hautement philosophique que revêt parfois le magazine "Confessions intimes" diffusé sur TF1.
Aujourd'hui, c'est à une pensée autre que sartrienne que nous convie Pierrette.
Voici.

Shana a vingt-cinq ans, une face en forme de semelle, des cheveux blonds platines filasses, des nichons siliconnés et un petit cul bien moulé : soit les attributs requis pour être gogo-danseuse ; ce qu'elle est.
Shana a une face en forme de semelle, vit chez sa mère, est séparée d'avec le père de son enfant, et a fait suivre son enfant jusque chez sa mère.
Shana a des cheveux blonds platines filasses et sa mère n'aime pas qu'elle soit gogo-danseuse — elle est obsédée par les photos de sa fille à poil.
Shana a des nichons siliconnés et en veut aux hommes : elle leur fait sentir sa chatte. Elle vit chez sa mère : elle tient absolument à lui faire voir son cul et ses shows où elle la traîne.
Shana a un petit cul bien moulé et, grâce à elle, nous pensons à La Rochefoucauld : Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder en face.
Grâce à Shana, nous savons qu'autre chose ne se peut regarder en face : la lune.

Shana, gogo-danseuse, comme toute l'humanité à venir, est déjà de l'autre côté du miroir : celui où, ne ressentant plus aucune honte, l'on ne se voit plus, celui où l'on ne cesse, partant et pourtant, de se faire voir, celui où, son image n'existant plus que pour les autres, les autres n'existent plus que par son image à soi.
Les civilisations ont commencé par le tabou de l'inceste, elles s'achèvent par la négation du totem.
Montrer son cul, vouloir faire bander, demain se faire enculer, c'est désormais devant ses parents et à la télévision, épaulés par des psychologues, que cela se fera.
Avec la bénédiction du Vivrensemble.

samedi 24 avril 2010

PTDR


Un nazisme ordinaire, sans doute, distillé, moins virulent que le modèle. Un nazisme pourtant, aussi mortel à long terme. Celui qui utilise un sigle, non seulement euphémise la réalité, mais encore se donne le sentiment réconfortant, par un savoir spécial, d'appartenir, en tant qu'initié, à une communauté particulière. Le souci de la brièveté, indispensable à la rationalité technique, s'allie ainsi au sentiment mystique d'appartenir à un cercle d'élus, tout en s'épargnant la peine de devoir énoncer une réalité pénible.
Innombrables, les victimes de ce jeu sémantique sont consentantes. Hier gardiens de magasin, surveillants de collège, moniteurs, infirmiers, possédant un métier et des responsabilités précises, ils se rengorgeront d'être demain appelés « techniciens de surface », « ingénieurs de la sécurité », « interlocuteurs de proximité », « agents d'ambiance », « coordinateurs de le petite enfance » ou « auxiliaires de vie »...
La litote, usée comme le cache-misère d'une réalité pénible, trouve son pendant dans l'hyperbole des titres décernés, aussi dérisoires que ceux qui, du
Kapo au Blockältester, du Vorarbeiter au Prominent, réglaient la hiérarchie bouffonne des camps. C'est ce que Victor Klemperer, analysant la langue technocratique des nazis, avait appelé « la malédiction du superlatif ».

Jean Clair, La barbarie ordinaire, Gallimard, 2001


Non, décidément, on ne peut plus rien entendre.
Ne pas fâcher, surtout ne pas fâcher. Ne pas froisser, ne pas heurter. Ne rien faire crisser, ne rien faire cogner, prévenir le moindre cri.
Savoir qu'après le nazisme et son oeuvre, l'abolition du visage, il faudra tendre sa croupe expiatoire d'occidental honteux, de blanc délavé, de salaud éternel pour aussi se crever les tympans.
On ne peut plus rien entendre parce qu'on ne peut plus rien dire.
La justice n'aura bientôt même plus à se servir de la police de la pensée pour satisfaire les désirs de suicide lent et collectif , l'analphabétisation en cours parviendra à faire croire qu'un adolescent délinquant n'a pas d'origine, n'a pas de visage, n'a pas d'autre histoire que la sienne, qu'il est simplement, et en tout état de cause, un jeune.
N'ayant plus aucune forme que celle de la déchéance, notre civilisation revêt le masque de l'adolescence éternelle pour cacher son agonie putrescente, dans tous les lieux publics, avec ostentation, crasseuse, puante, les pieds sur les fauteuils des bus et les crachats dans le dos des passants.
N'ayant plus aucun désir de conquête non plus que de découverte, notre civilisation se cache le sexe d'un voile de sainteté nommé tolérance pour éclipser son rabougrissement, son flétrissement, son impuissance. L'intégracisme, l'autre nom que je donne à l'anti-racisme institutionnalisé et qui n'est rien d'autre qu'un nouveau totalitarisme, est le cache-sexe de notre dégoût de nous, la guerre que l'on se mène contre nous-mêmes, bourreaux de nous, nous, victimes en bourreaux. En aucun cas il ne s'agit d'amour de l'autre.
Au début était le Verbe, sa disparition est inéluctable dès lors que l'on approche de la fin. N'ayant plus de langue, notre civilisation se griffe de sigles et autres acronymes pour faire croire à son audace et son sens de l'innovation.

Oui, décidément, il est fort à craindre que notre civilisation est morte en 1932.

samedi 17 avril 2010

« Assurée de perdre »...

Toujours, depuis un siècle ou deux, les artistes ont été en opposition avec le monde comme il va. Mais, pour tourner les choses très grossièrement (et à titre d'hypothèse, qu'il faudrait immédiatement dégrossir), l'opposition "de gauche" crée du lien tandis que l'opposition "de droite" ne crée que de la solitude. Le "sens de l'Histoire", malgré quelques embardées, ayant pointé toujours dans la même direction (vers plus d'égalité, plus de fraternité, plus de "simplicité", plus de démocratie) — la gauche, en somme, ayant toujours fini par gagner (même si elle n'est plus tout à fait la gauche au moment où elle gagne) —, l'opposition "de gauche" est le pouvoir de demain : elle est grosse de pouvoir, elle en est enceinte ; l'opposition de droite, elle, en est veuve (et elle ne va pas se remarier).
Quand je vois dans le foyer doré du vieil Opéra des jeunes gens en tee-shirt publicitaire historié et en chaussures de sport à bandes latérales, ce qui me chiffonne ce n'est pas du tout que demain ils seront notaires et porteront costume et cravate comme tout le monde. Je ne crois pas du tout que c'est là ce qui va se produire. Je crois au contraire que demain, tout le monde sera habillé comme eux, et que demain est déjà là. Donc, ce qui se donne comme la sympathique opposition, allégoriquement "de gauche", à la convention, n'est rien d'autre en fait que la convention nouvelle en train de s'installer, déjà en place, même, forte de l'insolence d'un pouvoir fort à ses débuts, amis se targuant en plus des prestiges attachants d'un courageux antipouvoir. C'est précisément cela qui donne une déplaisante sensation d'obscénité.
Bien entendu, l'opposition "de gauche" et l'opposition "de droite" ont autant de légitimité l'une que l'autre, ont l'une et l'autre quelque chose à dire, sont l'une et l'autre dépositaires et porteuses d'un précieux morceau de sens et de vérité. Mais l'opposition "de gauche" (représentée dans mon exemple trivial par le T-shirt publicitaire historié) va gagner, a déjà gagné, avec ses valeurs sympathiques et justes — liberté d'esprit, haine de la convention, simplicité, horreur du paraître, mépris de la dépense inutile, etc. ; tandis que l'opposition "de droite" non seulement a perdu, mais ne peut même pas faire entendre ses propres valeurs éventuelles, tant elles sont devenues inintelligibles — politesse, modestie, conviction qu'on n'est jamais assez bon pour l'autre comme on est, acceptation d'un effort personnel pour l'harmonie et la réussite d'un moment et d'un lieu, etc.
En ce sens la seule opposition véritable serait l'opposition "de droite", parce qu'elle est assurée de perdre, et donc de rester une opposition. L'opposition "de gauche" n'est jamais que du pouvoir en attente. Tout le monde aime, même si l'on s'en plaint, le fils de la famille qui fait des frasques, des bêtises, du vacarme et "ne respecte rien" ; personne n'aime le vieil oncle qui se plaint du bruit parce qu'il est dérangé pour traduire Anaxagore. Mon côté "vieux con" et ma sympathie vont pour tout ce qui va perdre la partie me fait pencher plutôt pour le vieil oncle.

Renaud Camus, Derniers Jours, Journal 1997, pp. 62-63


Et si étaient révélés dans ces quelques lignes, et cinq ans avant sa création, le véritable devenir, la véritable raison d'être, la véritable vocation, du parti de l'In-nocence créé et présidé par Renaud Camus ?
Un parti qui ne présente aucun candidat à aucune élection, un parti qui établit un programme sans jamais appeler à un rassemblement vers quelque parti que ce soit, que peut-il être d'autre qu'une opposition assurée de perdre, condamnée perpétuellement à rester une opposition, ce qui va perdre la partie ?
En ce sens, et malgré la qualité des argumentations et la pertinence de certains communiqués, et quoi qu'on puisse penser de ses convictions, que penser de ce parti ? Une farce ? Ou une tragédie ?

L'obscénité d'avoir raison


Sachez avoir tort. Le monde est rempli de gens qui ont raison. C'est pour cela qu'il écoeure.

Louis-Ferdinand Céline, extrait d'une lettre à Henry Miller


La plus forte de toutes les passions humaines, et l'une des plus basses, c'est d'avoir raison
je veux dire d'avoir raison de façon emphatique, reconnue de toute part, et de disposer d'une parole qui ne souffre aucune contestation, ne tolère aucune nuance, peut mettre à mort quiconque se permettrait d'émettre, sur un point particulier, la moindre objection. C'est ce que j'ai appelé ailleurs les armes absolues de langage. Elles offrent à qui les détient l'une des jouissances les plus abjectes, la pleine liberté de haïr et de persécuter avec la certitude de la vertu, l'approbation générale des foules et la conviction flatteuse de ne faire que son devoir. (...)
Le propre de l'
arme absolue de langage, c'est qu'elle confond tout. L'essentiel pour elle, c'est qu'aucune parole ne puisse se dresser davant elle. De toutes ces armes absolues, le mot pédophilie est actuellement le plus efficace. Rien ne lui résiste, il lamine tout sur son passage. Sous son rouleau compresseur se confondent le viol et le plaisir partagé, le meurtre et l'amour, la torture et les caresses, ce qui se passe dans les larmes, la tristesse ou les hurlements et ce qui se passe dans la tendresse ou le rire, l'achat d'une cassette ou le découpage en morceaux d'un enfant.

Renaud Camus, Derniers Jours, pp 124-125


Précisons donc encore une fois, bien que ce me soit très pénible, et que j'aie l'impression de céder, ce faisant, à l'obscène chantage qu'imposent les armes absolues. Je trouve monstrueux qu'on tue les enfants. Je trouve abject qu'on les viole. Je trouve épouvantable qu'on leur impose sans nécessité la moindre souffrance physique ou mentale (je dis sans nécessité parce qu'on les fait bien souffrir quand on les emmène chez le dentiste ou qu'on doit les faire opérer, mais c'est pour leur bien). Je trouve répugnant qu'on les contraigne non pas à quoi que ce soit, comme j'allais l'écrire par emportement, alors que toute éducation est contrainte, mais à toute pratique sexuelle, si légère soit-elle. Et je suis partisan des châtiments les plus sévères pour quiconque se rend coupable de ces crimes.
Je pense qu'Hitler est le plus grand criminel que la terre ait porté. Je pense que la déportation et les camps de concentration sont la plus effroyable entreprise qui ait marqué le cours de l'histoire. Je ne mets en doute ni l'existence des chambres à gaz, ni l'abomination incomparable de ceux qui les ont fait fonctionner, et de leurs complices.

Je pense aussi que, formulées ainsi, les phrases qui précèdent peuvent être perçues comme absurdes ou obscènes non pas par défaut de vérité, mais par excès.

Ibid, p.129

vendredi 16 avril 2010

Comme une odeur de pain aux raisins...


Imbaprix, au bout de l'avenue.
Des boulangeries, des patisseries, tout du long. Ne pas oublier le pain aux raisins, en passant, avec sa crème patissière et son moelleux, son fondant, sa chaleur, presque. Ta mère ne l'oubliera pas. Tu lui demandes si vous pouvez traverser, voir, un peu, ce qu'ils ont, dans la librairie d'en face. Ces figurines de Schtroumpf, s'ils pouvaient en avoir reçu des nouvelles...
Cette librairie, c'est un peu ton refuge, avec toutes ses tentations ! Toutes ces BD, ces livres que tu ne connais pas, ces couleurs et ces odeurs qui te plongent dans une intimité dont tu n'aimerais pas sortir.
Mais il faut aller faire les courses, et tu pourras choisir ton dessert pour le dîner, si tu veux. Tu adores ça, faire les courses à Imbaprix : choisir ! Des étalages et des étalages, et choisir, prendre, ne rien être autre chose que pur désir, n'avoir devant soi que promesses absolues.
Et tu n'es pas pressé. Tu aimes que chaque geste, sur le chemin du retour, soit conforme à ce qu'il était, à ce qu'il sera : revenir d'Imbaprix se fait à pied. D'abord parce que vous n'aurez jamais de voiture, ensuite parce que chaque pas t'entraine vers ton dîner, chaque pas, chaque regard avec lequel tu caresses chaque boutique, chaque maison, chaque passant. Tu aides ta mère à porter les sacs, cette fraternité du quotidien t'attendrit : vous marchez ensemble dans la vie.
Le chemin est court, et pourtant il est long : long d'être parcouru tant et tant de fois, jusqu'à être éternel, éternel d'avoir été si profondément tracé sur le trottoir - jusque dans ta mémoire !
Dès lors, les pâtisseries pourront faire faillite les unes après les autres, les magasins d'informatique pourront remplacer les librairies, les casquettes les chapeaux, la poussière de tes pas pourra être soufflée par le vent et l'ombre de ta mère effacée par l'ombre de l'absence : tu seras, jusqu'à ta mort, ce chemin, cette promenade qui te ramenait d'Imbaprix !

mardi 13 avril 2010

Quand Beuche était philosophe



00:51

Le manque de volonté, ce voile factice de l'impatience.
Faire abstraction du temps et de l'espace qui séparent notre décision de son résultat, tel est le leurre de celui qui échoue.
S'il prenait conscience, jusque dans sa chair, surtout dans sa chair, que le succès réside dans l'ingestion de ce temps et de cet espace...

vendredi 9 avril 2010

Les carnés du sous-sol


Cioran, quand il sentait en lui l'angoisse et le dégoût de la vie atteindre son apogée, allait dans un cinéma porno voir un film bien hardcore, pour le dégoûter encore plus.
Beuche, lui, son truc, en pareilles circonstances, c'est d'aller dans un fast-food. N'importe lequel, pourvu que ce soit le plus industriel possible, le plus racoleur, le plus putassier.
Ainsi, aujourd'hui, pour déjeuner, v'là-t-y pas qu'il est allé à Subway.
Cette devanture verte, cette faune de lycéens boutonneux et arrogants (mon Dieu que les lycéens d'aujourd'hui sont détestables, Beuche était-il aussi con à leur âge ?), cette puanteur de cantine, c'était fatal, il fallait que Beuche y entrât.
Ça fait tout drôle, de se sentir vieux à trente et un ans. Oh, on ne lui a pas fait de mal, à votre Beuchy d'amour, non, on ne l'a pas regardé. On n'a même pas vu qu'il était là, malgré son quintal. On l'a bousculé. C'est peut-être une coutume, entre lycéens, de se bousculer, je ne sais pas. Il a fait la queue, Beuche. On lui a demandé quel pain il voulait. Quelle viande. Quelle sauce. Quels légumes. Ou bien l'inverse. On lui a fait son sandwich, tellement mou qu'on se pose des questions sur l'état de la santé dentaire de nos jeunes. Et puis il est sorti, il a pris "à emporter". On n'allait pas pousser le vice jusqu'à s'asseoir au milieu de tout ça.
Dehors, une jeune fille, debout, demanda à ses copines, assises : « Les meufs, vous avez la force de bouger ? » (sic)
Un grand silence lui répondit.

jeudi 8 avril 2010

Considérations opportunes sur la libido féminine appliquée au réseau routier.



Une chose que Beuche, avec l'acuité du regard que chacun s'accorde à lui reconnaitre, remarque depuis sa prime enfance, une chose, disions-nous, qui ne cesse de le surprendre, de le saisir, de l'interloquer, est la constante passion des jeunes femmes à l'égard des chauffeurs de bus.
Oui, beuchiennes, beuchiens, il est temps pour vous d'ouvrir les yeux sur un phénomène sociétal contemporain injustement ignoré des sociologues et écrivains de tous poils : les gonzesses kiffent grave les chauffeurs de bus.
N'avez-vous jamais remarqué cette présence féminine farouche et verticale à côté du chauffeur de bus ? Leur position est incommode, inconfortable, et pour tout dire, car chez Beuche on fait fi de tout tabou faisant entrave à la juste compréhension des choses de ce monde, pour tout dire, donc, disais-je en faisant fi de tout tabou faisant entrave à la juste compréhension des choses de ce monde, pour tout dire, donc, pénible. Eh oui, pénible, petite pétasse peinturlurée qui m'empêches de payer comme il se doit mon ticket de transport. Non pas que je ne tolère pas ton manège, oh non, petite, si tu as envie de te montrer grotesque aux yeux des honnêtes citoyens qui se lèvent tôt le matin pour travailler plus pour gagner moins, libre à toi, oh oui, libre à toi mais, vois-tu, je ne goûte guère nos frôlements, car je ne suis pas chauffeur de bus, moi, et il faut que je pénètre, dans le bus je veux dire, et je n'ai point envie, ne t'en déplaise, de sentir tes vibrations corporelles de féline urbaine, moi, Beuche, qui suis un honnête citoyen qui ne prends plus le bus sauf quand nos amis de la SNCF décident que (que quoi, d'ailleurs ?).
Mais à quoi cette fascination féminine pour le corps conductoral est-elle dûe ? Au levier de vitesse ? Au volant comprimé entre des doigts experts ? À la subtile négociation des virages ? Au crescendo impromptu des accélérations ?
Beuche ne le sait. On ne peut pas tout lui demander.

mercredi 7 avril 2010

Index thémathique de L'Isolation de Renaud Camus, ou l'apparition chez Beuche d'un échec annoncé


Il y a quelques mois, David Farreny eut l'idée, dans le cadre de l'indexation générale de l'oeuvre de Renaud Camus, de créer un index thématique. Je me portai alors, avec beaucoup d'enthousiasme, candidat. Quelques semaines après, le travail fut accompli.
Alors les doutes sur la faisabilité et la pérennité de tel index apparurent. Comment effectuer à plusieurs tel travail ? Qui d'autre voudra bien s'y coller ?
Cela pour aboutir à la suppression définitive, il y a quelques jours, de ce projet d'index thématique.
Alors même si mon travail n'a servi et ne servira à rien, je ne peux pas tout à fait me résigner à le foutre au feu.

Le voici, donc.


Affaire Camus : 383-548-

Associabilité voulue de l’auteur : 477-544-548-549-550-558-

Angoisse de l’auteur : 462-

Antiracisme : 315-347-444

Antisémitisme et « question juive » : 248-490-543-

Architecture contemporaine : 283-284-285-286

Architecture comme un révélateur de la vérité d’une époque : 416-417-418-

Aspect équivoque des rapports commerciaux : 385

Au Théatre ce soir : 30

Beaucoup de travail, manque de temps : 29-72-92-100-110-113-142-184-189-207-209-211-265-266-281-428-435-508-528-529

Camus écrivain aigri ? : 162

Camus écrivain maudit ? : 163-287-291-465-559-

Cas de conscience d’ordre relationnel : 103-104-105-106-107-150-210-234-312-477-550-

Chiens : 22-23-451-

Cinéma et visionnage de DVD : 175-195-196-239-240-246-248-263-274-276-295-296-362-368-413-432-433-437-454-505-542

Comment massacrer efficacement une maison de campagne : 19-20-24-74-136-144-151

Compulsions de dépenses d’argent : 175-195-455-

Conflit israëlo-palestinien : 46-340-

Contre-colonisation : 13-14-43-83-271-272-305-319-320-344-345-346-358-408-533-545-

Corrélation entre « gnangnantisation » du langage et incivilité croissante : 78-79-81-512-

Cratylisme : 361-362

Culpabilité : 451

Curiosité : 193-337-368-557

Déclin de la considération envers les artistes : 68-133-134

Déclin de la langue française : 124-130-138-253-254-488-497-

Déculturation : 34-35-44-49-69-70-89-91-147-185-218-219-249-250-324-325-326-328-329-346-358-433-434-

Délices gastronomiques : 211-241-242-243-469-477-478-483-555-

Délicatesses du français contemporain : 11-12-15-22-77-125-129-130-134-148-151-229-230-231-232-233-253-279-316-317-324-560

Déni du réel : 136-137-301-313-357-358-

Désastres paysagers (banlocalisation du monde) : 18-19-57-58-122-123-124-171-172-173-174-177-180-200-201-203-220-221-225-364-365-464-511-559

Disparition de la nuit : 364

Effondrement éducatif : 13-146-147-325-327-357-513-

Égalité (nivellement par le bas): 249-250-271-286-324-325-326-346

Églogues (Travers III) : 23-37-50-66-72-80-84-97-133-139-140-142-154-155-189-211-235-237-247-256-260-265-268-270-274-277-278-291-295-309-310-312-319-333-337-343-353-387-412-413-424-428-437-440-453-470-472-475-476-491-492-500-501-507-509-510-511-521-

Enfance de l’auteur : 31-32-317-457-463-

Enlaidissement des sites architecturaux et des maisons : 85-86-87-122-123-124-202

Ennui : 193-557

Ennuis et relations avec les éditeurs : 18-19-20-21-26-28-29-30-49-84-85-95-96-97-98-99-107-108-109-143-144-152-156-157-161-162-194-195-278-353-354-411-428-438-439-440-452-469-470-479-480-507-511-

Familiarité (excès de) : 466-

Frénésie libidinale : 484

Froid : 194-507-517-518-522-528-530-532-534-

Goinfrerie (rapport animal à la nourriture): 343-477-478-483-484-546-547-555-562

Goûts sexuels de l’auteur : 243

Hégémonie médiatique : 47

Honte de l’auteur : 457-458-459-460-463-

Hygiène de vie de l’auteur (administration économique et morale du temps) : 22-139-168-189-241-243-342-528-538-

Idées de déménagement : 19-49

Importance des rites : 39

Inappartenance de l’auteur à la société dans laquelle il vit : 136-137-364-466-469-

Insécurité : 14-17-90

Internet : 140-316-554

Isolation du château de Plieux (problèmes et travaux de), pompes à chaleur : 320-321-355-369-370-371-373-374-375-376-377-378-379-380-384-385-386-429-430-454-455-486-487-492-495-502-503-504-505-506-507-508-509-516-518-519-520-522-523-527-528-529-530-535-536-537-538-551-552-

Journal de Travers : 12-29-66-80-84-164-165-168-189-244-260-265-268-275-277-278-292-333-343-353-354-372-376-387-412-413-424-428-430-434-439-440-441-443-444-470-480-492-521-553-

Laideur des affiches et des expositions : 213-214-487-488-489-

Le jour ni l’heure sur Internet : 166-176-190-209-235-236-237-238-268-280-281-319-321-343-366-413-554-

Lettres de lecteurs : 409-410-435-

Liban : 339-340-343-

Manque de Pierre : 534-542-

Maurrassisme : 543

Mauvaises manières des contemporains : 206-207-208-219-220-366-367

Mécanismes de l’escroquerie : 505

Menace de la mort et sensation de vieillesse de l’auteur : 140-141-360-462

Métonymie faite passage (l’art de la cavatine) : 450-527-

Nuisances sonores : 164-299-300-301-342-

Œuvre de Marcheschi : 24-25-167-179-276-472-473-524-

Parti de l’In-nocence : 26-28-49-51-160-189-206-234-247-281-312-320-366-407-428-471-495-520-529-539-

Passéisme : 545-

Pérégrinations administratives : 121-122-256-257-371

Perte de l’identité nationale française : 78-79-80-89-305

Perte des usages (mauvaises manières contemporaines): 76-77-79-249-269-300-301-302-317-318-348-349-366-367-373-466-496-520-

Plaisirs livresques et encyclopédiques : 94-102-130-131-149-155-223-224-251-256-257-258-259-261-262-281-335-336-337-350-387-388-389-390-391-392-393-394-395-396-397-398-399-400-401-402-403-404-405-406-407-423-508-540-541-

Plaisirs et réflexions de mélomane : 425-426-432-436-447-448-449-452-453-527-531-536-

Préparation de l’ Anthologie de l’amour des hommes : 12-66-84-139-143-158-165-189-247-260-268-277-291-295-310-333-335-342-353-358-359-413-423-442-

Préparation de Commande Publique : 12-13-168-491-509-512-525-526-534-553-

Primauté de l’apparence : 41-324-331-348-349

Primauté du désir sexuel sur les relations purement intellectuelles : 342-

Problèmes avec France Télécom : 266-267-

Problèmes de santé et douleurs physiques : 33-34-37-93-96-141-255-256-257-259-260-261-262-263-264-265-266-269-270-273-274-275-276-277-292-295-310-311-360-482-

Prolétarisation de la clase cultivée : 83-85

Promenades : 189-191-219-310-311-342-347-381-426-464-495-531

Rapports à sa mère : 11-18-57-58-122-123-124-355-356-357-413-419-420-421-422-424-425-427-428-429-446-456-457-458-459-460-461-462-466-467-492-493-494-515-523-535-537-546-547-557-558-562

Réensauvagement, clochardisation du monde : 90-91-252-300-301-302-513-514-

Réflexions sur le Journal en train de se faire : 528-

Reproches de lecteurs : 205-206-209-210-233-235-240-254-280-322

(Non) Respect de la parole donnée : 510-538-539-540-

Sentiment d’ingratitude : 11

SLRC : 156-204-205-206-209-233-235-291-529-531-544-554-

Sodomie : 188

Soi-mêmisme : 278-520-521-

Solitude : 192

Sport comme imbécilisation des mases : 329-330

Tourments financiers : 29-98-107-108-110-175-195-198-355-371-372-374-376-377-378-379-384-385-386-414-419-420-421-422-429-463-466-502-535-

Vanité : 25-551-

Vulgarité de la société française contemporaine : 71-82-208-220-252-300-301-302-327-330-331-415-416-469-512-513-514-536-

dimanche 4 avril 2010

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L'entendre tousser et s'en vouloir, presque, de respirer.
Maudire l'air de l'exclure.
Guetter, en apnée, le souffle.
Veiller, veiller, veiller.

jeudi 1 avril 2010

La fidélisation de la clientèle, dans certaines boutiques, frise, parfois, le harcèlement moral que le chantage affectif ne saurait dissimuler

(billet à la manière appasienne)

Voilà ce que j'ai lu ce matin en passant devant mon boucher :

Bonjour !
N'oubliez pas de commander votre agneau
Pascal !

Je suis certes très touché par cette attention, mais je trouve, pardonnez-moi, cette insistance affichée au vu de tous, particulièrement déplacée.

mercredi 31 mars 2010

Le sourire à visage du rien

Alors là, vraiment, nous pouvons dire que la société française (au moins, au moins !) a fait ces derniers temps un progrès considérable ! Le temps de la maturité est venu !
Nous connaissions les familles morcelées, divisées, déchirées, recomposées. Nous connaissions le désir d'indépendance, le goût de l'envol, l'autonomie du petit, la liberté vaginale de maman, la console de jeu et les matchs de foot de papa. Nous avions eu vent, hélas, trop, mille fois hélas, Mon Dieu ! des guéguerres au sein du couple, de la pension alimentaire, de la garde belliqueuse des rejetons, et que c'est moi qui le veux et que c'est pas toi qui l'auras, et que ça finira comme dans la nouvelle "Un problème de mécanique" de Carver (je vous raconte pas, vous irez la lire).
Mais c'est fini, tout ça ! Terminé ! Aux oubliettes ! Maintenant, on ne divorce plus. D'abord parce qu'on ne s'est pas mariés, ensuite parce qu'on n'a jamais été ni ensemble, ni seul. Oh, loin de nous l'idée de faire un procès à ce pauvre PACS qui a au moins le mérite de rendre parfaitement transparente la conception contemporaine de la vie en couple : sans engagement, surtout pas, et sans risque, en préservant l'essentiel : son pognon.
Ainsi, quand on décide de ne plus vivre sous le même toit (à prendre littéralement, puisqu'il n'y a rien d'autre), pour montrer qu'on sait être intelligents et parce qu'on connait les priorités, nous, Monsieur ! eh bien on part en vacances ensemble ! Avec le petit ! Beh tiens ! Avec le chien ! Ou des amis. Ou qui on veut. Et on se photographie, la gueule enfarinée. Il n'y a pas d'avant, il n'y a pas d'après.
On n'en peut plus, on en crève, mais il faut continuer à se montrer. Oh oui, se montrer. Comme avant, cet avant qui n'a jamais existé que dans le fantasme d'un après qui ne pourra jamais exister.
Et n'être plus que ce sourire, figé, figeant, qui absorbe tout le néant du monde et le vomit à la face des derniers humains qui restent.

mardi 30 mars 2010

Société des Mainteneurs de Renaud Camus



En raison d'opérations de maintenance l'activité de ce forum est provisoirement suspendue.

Voilà ce que l'on trouve sur le forum de la Société des Lecteurs de Renaud Camus lorsque, et uniquement lorsque, l'on veut ouvrir un nouveau "fil".
Pour un site ayant vocation à « défendre et promouvoir » un auteur qui abhorre la langue de bois et qui tient plus que tout au respect de la parole donnée, c'est un peu fort de café, et d'une ironie assez vomitive. On pouffait déjà de rire à voir les dessins de François Matton (avec qui Camus a des rapports pour le moins hostiles...) orner le site, mais alors là, le coup de l'opération de maintenance, c'est le pompon du manège à guignols !
Ils veulent quoi, les responsables de la SLRC, au juste ? Gérer un site en ne gérant rien ou presque - jusqu'à se foutre comme de l'an 40 de ce qui peut bien se passer sur le forum, désert comme insultes -, quel sens cela a-t-il ? Pourquoi ne pas fermer, tout bonnement, ou au moins passer la main à des gens désireux de s'occuper de pareil site ?
En tout cas, rien ne justifie l'absence d'arguments, rien ne s'oppose à un minimum d'intégrité, au lieu de prendre les lecteurs et intervenants du site en question pour des abrutis vis-à-vis desquels il ne faudrait surtout pas s'abaisser à fournir des explications.

Pullulation des idoles


Adorer un seul Dieu, ne servir qu'un seul Prince. Or l'amour de la culture aussi est un monothéisme. À l'école, on appelait cet Univers la « culture générale ». Et l'on apprenait que le passage du polythéisme au monothéisme avait été décisif. La loi du Père contre la pullulation des idoles.
Que dire alors du chemin inverse ? Atomisée, pulvérisée, « éclatée », « explosée », la culture ne cesse de retomber en cotillons et confettis. On dit désormais « culture » pour dire la petite religion du local, le triomphe de la proximité, le goût du particulier, le denier du culte, le chatouillis idiosyncrasique, le jargon de la secte, le verlan des banlieues, l'habitus domestique, la manie du quidam, la dévotion du gri-gri, la prière aux lares, l'islamo-bouddhisme en six leçons, le port du pantalon effrangé, l'araignée dans le plafond, l'exotisme culinaire, l'apprentissage des patois disparus, l'exhibition de l'unicum anatomique, la fièvre obsidionale, Proust en trois cent mots, le règlement d'entreprise, le grillon du foyer, la lecture pour illettrés, le musée pour aveugles, le vu à la télé, le Campus pour tous et le voyage aux îles...
Au nom de l'Autre, mais non d'autrui, la culture de proximité, non du prochain, avec son tutoiement obligatoire, soumet chacun, non sans hargne, à la singularité linguistique, à la tératologie physiologique, à la marginalité comportementale, au vocabulaire inouï, aux syntaxes extravagantes, aux décibels d'enfer. À chacun sa culture, donc, collages saugrenus de débris, de vestiges, de fonds de pot ou de tiroir, moeurs de flibustiers pullulant autour d'un naufrage.
Jean Clair, Journal atrabilaire

lundi 29 mars 2010

Un coup de boules jamais n'abolira le hasard


Il arrive à Beuche, et contre toute attente, de passer des après-midi dans le seul plaisir de goûter aux joies simples.

Ainsi, hier, il était à un loto. Les cartons devant soi, les chiffres, les boules, les oreillettes, le suspense, les paniers garnis, il aime ça, Beuche. En général il supporte mal la promiscuité avec ses congénères mais hier, au Foyer municipal de vous vous doutez où, il était très bien, et même, si l'on osait, pourrions-nous le qualifier à la manière de Depardieu dans Les Valseuses de détendu du gland. Et même un peu plus que cela. Ou bien pas tout à fait.

Car c'est toujours dans dans la trivialité du quotidien que Beuche a des révélations, celles-là même qui vous édifient chaque jour un peu plus.

Autant lever le voile : Beuche était, avec sa chère et tendre, la seule personne de moins de 70 ans. C'est assez troublant, il faut bien le dire. Un peu comme si on commettait une intrusion chez une époque qui n'est pas nôtre. Et qui va très bientôt disparaître. Et avec laquelle nous n'aurons plus aucun lien charnel, sensoriel. Ces gens ont vécu la seconde guerre mondiale, l'Occupation, la Libération. Ces gens qui râlent parce que c'est le 63 et pas le 62 qui sort et que la quine va à Jeannette et pas à Raymonde, étaient-ils enfants de collabos ? Résistants ? Tondues ? Épurateurs ? Autre chose ? Quand ils mourront, à quoi penseront-ils ? Aux nazis ? À l'Algérie française ? Aux arabes ? À eux ? leurs parents ? leurs enfants ? Au Général ? Au Maréchal ?

Mais surtout, nous, les trentenaires aujourd'hui, que pourrons-nous raconter à nos petits-enfants ? Hein, quoi ? Quelle guerre ? Quelle frayeur ? Quel acte d'héroïsme ? de bravoure ? d'ignominie ? Quel évènement ?

Oh, les quinquagénaires, nos parents, eux, ils auront toujours Mai 68 et ses suites, mais nous ? Le Pen au second tour en 2002 ? La France championne du monde de football en 98 ?

À pleurer.

vendredi 26 mars 2010

La curée


Renée s'emmerde. Elle a ses robes, sa servante, ses lubies, et elle s'emmerde.
Renée est belle, encore jeune, et blonde. L'odeur, la chair d'une blonde...
Renée est riche, du moins le croit-elle. Elle a un mari, bien sûr, Saccard, qu'elle accepte. Guère de sentiments pour lui, pas d'hostilité, pas d'attirance particulière.
Renée s'emmerde. Il lui faut aller plus loin dans la luxure qui s'étale sans cesse devant ses yeux.

Alors elle se fait baiser par son beau-fils, Maxime, de huit ans plus jeune qu'elle. Ou plutôt elle le baise, en cavalière comme on dirait aujourd'hui. Lui se laisse faire, mou et androgyne.
L'inceste bisexuel, le plaisir ultime de la bourgeoise blasée en quête de nouvelles émotions. Elle en tombe éperdument amoureuse. Du moins le croit-elle.
Coincée entre son mari vénal et son beau-fils je-m-en-foutiste dégénéré, Renée se croit libre. Jusqu'au jour où, le couple adultérin surpris en situation compromettante par Saccard, elle verra le père et le fils, le mari et l'amant, partir sans un cri, sans un coup, bras dessus bras dessous, dans la connivence de la cupidité.

La voilà face à sa solitude, dans sa prison dorée, plus nue que jamais, telle Éve après la pomme. Utilisée par son mari pour son argent, par son amant pour complaire à sa molle luxure, sa paresse, la voilà consciente de sa perdition.
Elle deviendra à moitié folle, et dans peu de temps une ményngite l'achèvera.

Les Saccard continueront leurs petites et grandes affaires, et n'auront jamais rien à foutre de Renée. Ils ne paieront pas même ses dettes une fois morte.

mercredi 24 mars 2010

Putes et soumises

Décidément, à force de nous le montrer, nous allons finir par le croire. On connaissait les hystériques de H&M, les morues braillardes fières d'elles au coin de chaque rue, il y a donc maintenant les soi-disant fauchées révolutionnaires qui n'ont pas à être PDG pour s'offrir une putain de garde-robe.
C'est ce qu'elles veulent, nos jeunes femmes d'aujourd'hui ? C'est donc ainsi qu'elles veulent qu'on leur cause ? Soit.
Il devient donc impérieux et urgent d'effectuer cette mission de salut public : devenons misogynes.
Au moins pour aimer les femmes. Celles qui n'ont pas leur point G dans leur garde-robe.

mardi 23 mars 2010

« À Marchant en courant »...


L'infirmière veut me faire boire son pipi.
La vieille dame tremblote, on ne sait pas vraiment si c'est elle qui parle, ni si elle sait à qui elle s'adresse. Le calme de cette chambre est vertigineux. Ses yeux sont fixés sur une partie invisible de la pièce, connue d'elle-seule. Cette absence infirme notre présence.
Et pourtant nous sommes là, et à côté se trémousse une femme devant un clip de Mylène Farmer. Et chantonne, sereinement. Je-je, suis Libertine, je suis une catin.
L'infirmière n'est pas la seule à en vouloir à la vieille dame, il y a aussi un satyre qui guette sa solitude pour lui exhiber son anatomie derrière la fenêtre.
Elle pleure, maintenant. Son mari ne sait que dire, et l'enfant de huit ans qui l'accompagne non plus. La mère de l'enfant demande à voir une infirmière, que l'on sache, quand même. Évidemment tout cela n'existe pas, c'est à se demander si l'infirmière existe.
Et dire qu'il s'agit du pavillon le moins difficile...
Et dehors, le soleil qui brûle, nos pas, notre épouvante, notre absence.

dimanche 21 mars 2010

C, mon amour


Je me souviens du chemin de fer surplombant la mer, la plage et la ville.
Je me souviens de nous, au pied de la falaise, la falaise SNCF.
Je me souviens de la place, et des sardanes. Je me rappelle la plage, et ses galets. Je me rappelle la mer, et ses galets. Je me souviens du sel, et pas des vagues. Du ciel, et de ses trains. L'été, ses matins.
La mer est bleue marine en haut des virages, la route est mutine sous ses rivages.
Frontière déserte, nuages nus, on tourne et on retourne en espérant ne pas tomber. Tout en bas appelle tout en haut, et l'odeur des pins à portée de main rappelle le tombeau.

Oui, C, je me souviens très bien de toi. Les nuits où les chariots crissaient, où les poivrots chialaient, où les trains dormaient. Les sardanes à midi. Les oursins sous la pluie. Le sang sur mes jambes fouettées par le vent où gisait encore la poussière de tes galets d'antan et toujours présents dans ta couche et ma mémoire.

samedi 20 mars 2010

Maréchal les voilà

Nous ne sommes pas sortis de la Collaboration. La Résistance aura retardé l'échéance, nous aura appris à espérer. La Résistance est inhumaine. L'héroïsme est inhumain.
Nos semblables, nos frères, notre lie, nous avons choisi le confort de la Collaboration, pour pouvoir nous vautrer dans dans les délices pimentés et garantis sans risques de la délation.
Ah ! La délation, la calomnie, bien planqué dans ton aigreur, tu aimes ça, hein ? Un enfant pleure, un chien aboie, un couple s'aime, un homme rit, des cloches sonnent, ça perturbe ta tranquilité, ça. Tu t'emmerdes, toi. Tes enfants te crachent à la gueule ou personne n'a voulu t'en faire, tu es incapable de donner, rien, à personne, à rien, tu voudrais pouvoir crever mais te tuer, connard, salope, tu en es incapable. Tu ne sais que mépriser, et ton mépris est à la hauteur de ton âme : minuscule. Tu le gardes pour toi, ton mépris. Enfin tu devrais. Car même ça, connard, salope, tu n'en es pas capable. Comme tu es incapable de l'exprimer en face. Comme tu es incapable de l'assumer.
Alors on te trouve de bonnes occasions de pouvoir l'exploiter en toute bonne conscience : c'est ça, et uniquement ça, le rôle de la politique, aujourd'hui.
Le téléphone. Ah, le téléphone. Tu es un roi, derrière ton téléphone. On ne te demandera rien, connard, salope, derrière ton téléphone. Tu pourras être anonyme et diffamant, pourvu que cela engraisse les amis du Bien. Un enfant pleure ? Il est battu, tu le sauves. Vite ! Il faut qu'il soit battu ! Et sauvé par toi ! Une femme jouit ? Nom de Dieu mais c'est un attentat à la pudeur ! Un homme rit ? Etat d'ivresse ! Un chien aboie ? Mais que fait la SPA ? Ça lui déchire le coeur, au connard, à la salope, vous comprenez ?
Plus aucune accusation n'a à être assumée : l'accusateur, aujourd'hui, n'a même pas à avoir de visage, et n'aura jamais à répondre de ses accusations : il est le garant du nouvel ordre moral, il est le héros, sa parole est d'évangile.
L'époque contemporaine, ou la parole sans visage. La déification de la lâcheté. L'obsession du mal.
Putain de trinité.
Apologie de la planque.

mardi 16 mars 2010

Le monde comme absurdité et comme substitution


Beuche vient de voir, sur la carte d'un bistrot, ceci : Velouté de pois gourmands au lard virtuel.
Si même le lard devient virtuel, maintenant, il n'y en a plus pour longtemps avant que Beuche ne se rende évanescent...

Décidément, il est très difficile d'être un cochon en ce début de XXIème siècle...
Massacrés en Égypte, éradiqués des cantines scolaires françaises, accusés de discrimination dans les soupes pour SDF, et maintenant virtualisés par nos chers bobos, il ne leur reste plus que quelques bouchers pour pouvoir se faire caresser...

Et si le destin tout entier de notre civilisation, et a fortiori celui de notre espèce, était en germe dans celui du cochon ? Virtualisé, l'Occident ! Allez hop, sans balles, sans armée, pour faire plaisir à nos pacifistes. Onuzifiée, l'humanité ! Terrassé avant même que d'avoir pu dire "halte" ! Pas de sang versé, plus de sang du tout, du sans. Même pas besoin de contraception pour disparaître, plus de bite, des bits. Et fi de l'humain.

Ce n'est pas une invasion, ce n'est pas un génocide, ce n'est pas une guerre perdue, ce n'est pas un massacre, c'est la virtualisation.

Le "souvenir du goût", qu'ils disent, les Marx et Veyrat.
Le souvenir de la chair, qu'ils diront, les produits de notre eugénisme.

jeudi 11 mars 2010

Faim


Beuche rêve d'un cochon de Bigorre. Mâle ou femelle, de gauche ou de droite, peu lui importe, il n'est pas regardant.

Une côte. Ouh là là oui, une côte, prise dans l'échine. Avez-vous déjà vu une côte de Bigorre ? C'est magnifique. La nature porcine a mis tout son génie pour sculpter et peindre une chair aussi belle. Mosaïques de gras net sur fond caramel rosé. Rien ne déborde, tout est à sa place. Pas une touche en trop, rien de tape-à-l'oeil, zéro carence.
Les coups de machette (j'aime à croire qu'il s'agit d'une machette) du boucher pour couper des tranches apportent au chef-d'oeuvre pictural la note musicale qui ne nous quittera plus. Seul le grésillement de la graisse qui fond dans la poële nous ramènera sur Terre : promesse concrète de l'orgasme papillesque.
Dès lors, nos yeux ne peuvent se défaire de la chair qui dore, saisie en même temps que confite par ses sucs.
Car le cochon de Bigorre, mes chers lecteurs, se suffit à lui-même. Il n'appelle rien d'autre que nous, il s'offre entièrement à notre désir. Intégrité du cochon.
Nous sommes alors submergés par son odeur, forte et subtile à la fois, et qui nous prouve, si besoin était, qu'il ne nous décevra pas.
La côte est prête. Aussi belle cuite que crue. On la contemple. On sait que cette joie-là ne durera pas. Lucidité du Bigorre. Il nous rappelle, comme toutes nos jouissances, que la mort est au bout de tout.
Alors on le coupe. Sans pitié. T'es là pour être bouffé, ô être périssable. Il ne nous en veut pas. Non. Il nous pardonne par la tendreté exquise qu'il nous offre, et le goût. Le goût, Mon Dieu, incomparable, indescriptible, le goût, ce qu'il nous restera après sa Chute, le produit de la connaissance, le délice de l'innocence à jamais perdue, le délice de la menace de la pourriture. Car tu aurais pourri, brave cochon, si je ne t'avais pas dévoré.
Et ce plaisir, nous voudrons le retrouver, encore et encore, le premier répétant le dernier, ronde macabre que nos sens blasés voudront éternellement raviver, et qui se vautreront dans la débauche des saucissons, jambons, saucisses, boudins et autres palettes.
De Bigorre, bien entendu !

Et puis nous dirons stop. Car lorsqu'on goûte au Bigorre, on se rend vite compte qu'un jour il faudra trancher, si l'on me permet cette expression sans jeu de mots.
Car, avec le Bigorre, c'est lui ou nous.

vendredi 5 mars 2010

La Fortune de Zola


Pour la première fois de sa vie, Beuche est passionné par une oeuvre qui ne lui donne aucune envie de connaître ni a fortiori d'aimer l'auteur d'icelle. Il en est stupéfait.

D'habitude, une des grandes passions beuchiques est de faire un genre de rencontre avec tel ou tel auteur (pensons à Deleuze qui disait que les vraies rencontres ne se font pas entre individus mais entre individu et oeuvre).

Identification, contradiction, confrontation, et j'en passe, tout ce qu'on voudra, mais il lui faut voir un auteur, à Beuche, il lui faut le connaître. Lire une oeuvre pour vivre un peu avec son auteur, en quelque sorte. Peu importe qu'il soit mort et que son oeuvre ne soit pas autobiographique : il vit par son oeuvre, Beuche lit cette oeuvre, donc il rencontre l'auteur.

Or, avec Zola, rien de tout cela. La lecture des Rougon-Macquart est une pure merveille, un de ces actes qui comptent dans une vie, qui marquent un avant et un après (nous essaierons d'y revenir, et d'y revenir à plusieurs reprises).
Pourtant, Zola n'attire pas Beuche. Ses personnages, oui. Mais alors l'auteur, pas du tout.

À quoi est-ce donc dû ?
Beuche ne le sait ni ne le comprend.

Et si c'était tout simplement la preuve éclatante de la victoire, du triomphe même, du génie de Zola ?
S'effacer derrière ses personnages, les rendre plus importants que lui, comme autonomes ?

jeudi 4 mars 2010

Une honte


Il est serein, Raymond.

L'équipe de France de football a encore perdu, encore montré son visage de pleutre insignifiant, mais Raymond a vu « de belles choses » hier soir, face à l'Espagne, belle équipe sûre d'elle et qui n'a pas forcé son talent pour ridiculiser nos Bleus.

Raymond le coach n'a jamais rien gagné, jamais. Ce n'est pourtant pas le temps qui lui a manqué : six ans à la tête de l'équipe de France "A", onze à celle de l'équipe de France "espoirs". On ne peut pas dire qu'il ne connaît pas la maison, Raymond. Il la connaît d'ailleurs tellement bien qu'il peut tout faire, tout se permettre, comme chez lui. Demander son laideron d'animatrice en mariage à la télévision juste après l'élimination pathétique dès le premier tour de l'Euro 2008, briser la carrière internationale du plus grand ailier et du plus grand défenseur français de leur génération (Giuly et Mexès) par manque d'affinités, faire bailler tout le pays d'ennui et d'exaspération depuis des années, et donc déclarer hier qu'il a vu de belles choses.

L'impudence de ce mec est absolument ignoble. À l'image d'ailleurs de "son" capitaine, notre Titi national qui jouit de sa pré-retraite de millionnaire pour trainer sur la pelouse sa carcasse d'épouvantail et son sourire abject de tricheur satisfait.

On ne peut souhaiter qu'une chose à cette équipe de branquignols arrogants (dont on peut se demander combien se sentent concernés par le fait de représenter leur pays (si l'on ajoute à ceux qui n'ont vécu en France que quelques mois ceux qui n'y jouent plus...)): se faire éliminer du Mondial dans trois mois de façon encore plus humiliante qu'il y a deux ans.
Pour peut-être, enfin, avoir un sélectionneur et une équipe de France dignes et conquérants.

samedi 27 février 2010

Zéro

Voilà ce que vaut Beuche. Zéro euro.
C'est AdSense qui le lui a dit ce matin.
Qu'ils aillent se faire foutre !

vendredi 26 février 2010

L'impossibilité d'avoir raison

Discuter avec un(e) imbécile est un combat perdu d'avance, et d'autant plus perdu que désespérant.
L'imbécile, c'est celui qui n'aura jamais tort. Seuls les imbéciles sont absolument convaincus de tout ce qu'ils peuvent avancer. Il n'y a qu'un imbécile pour avoir l'impudence de ne jamais juger utile voire nécessaire de tenter de considérer avec un peu de recul son raisonnement.
Mais de raisonnement, l'imbécile, il n'en a pas. Il est convaincu, l'imbécile. D'être un citoyen du monde, par exemple. C'est récurrent, chez les imbéciles, cette obsession d'être citoyen du monde. Si on leur explique que ce concept n'a pu être développé que dans une civilisation dominatrice, colonisatrice et esclavagiste, on est accusé de petitesse d'esprit. Si, par excès de foi en l'homme et d'indulgence, on précise qu'il faut se sentir partout chez soi pour avoir l'impression d'être citoyen du monde, et que dès lors la notion d'étrangèreté est annihilée, ce qui rend caduc tout beau discours sur les apports des étrangers, leurs différences et leurs richesses, alors là, mes amis, alors là, on est directement accusés d'être fachos et intolérants. Ça va de soi. Et bien sûr l'imbécile va ajouter qu'il est inconcevable et injuste que ce soit l'homme qui domine la Terre.
Là, il aurait fallu dire que, l'homme étant le seul être de la Création à être inadapté à la nature environnante, il est anti-écologique par nature - il est donc tout à fait normal, hélas peut-être, que pour la sauvegarde de son espèce il domine artificiellement son environnement, à savoir la Terre.
Mais votre Beuche était bien trop fatigué pour cela...

mardi 23 février 2010

Joyeux anniversaire Kimounette !


Vous rouvrez votre blog, pour fêter ça ?

samedi 20 février 2010

Mais où est passée Kim de Bransle ?

Beuche s'inquiète. Sa première admiratrice déclarée ne donne plus signe de bits depuis plusieurs heures. Et plusieurs heures, à l'échelle du web, c'est énorme. Surtout pour un Beuche.
Ah ! Beuche se souvient. Beuche est nostalgique. Beuche est ému.
Mai 2009, sur le blog de Goux. Première déclaration d'amour, tout de go, vlam, sans prévenir.
À l'époque elle s'appelait In love de Pascal, puis Pascaliste. Elle est vite devenue, à des fins bloguesques personnelles, On s'en tape. Ah, ce blog ! Aussi vif et fugace qu'un orage à Rabastens un soir d'Été. Puis les mots ont disparu petit à petit de la fin au début, seul subsista On. Ce fut alors l'apparition de Blog, nouvelle étape de la chrysalide sur le point de devenir ce magnifique papillon au point rouge : Kim de Bransle, soit K2B, Kimounette pour les intimes.
K2B, ou l'art du mot qui n'est jamais en trop. La fantaisie, l'humour, la justesse.
Madame de Bransle, je vous salue.

vendredi 19 février 2010

Eux, c'est le goût


Décidément, Beuche n'en finit pas d'être édifié. Regarder TF1 est pour lui à chaque fois une source d'enrichissement intellectuel renouvelé.
Ainsi, hier soir, cette blondasse insignifiante de Laurence Ferrari nous proposait (et sans bafouiller, ce qui déjà relève de l'exploit) un "reportage" sur ce fameux Quick de Roubaix halalisé (en ignorant les sept autres en France qui ont connu le même sort).
Et qu'est-ce qu'on y a appris, d'après vous, mes amis ? Eh bien, tenez-vous bien et inspirez profondément,... que le goût des hamburgers n'a pas changé.
Ouf ! Nous voilà soulagés ! Cette délicieuse viande de boeuf si savamment préparée et dorée ne souffre absolument pas de la méthode halal pour tuer les boeufs. Où est le problème, dès lors ? De plus, sachez que Quick sert toujours ses succulentes bières Kronenbourg ! Si c'est pas une bonne nouvelle, ça ! On pourra toujours se pinter la gueule dis donc ! Quelle mansuétude !
Non, vraiment, il n'y a pas de quoi se poser de questions. Aucune, absolument aucune.
Qu'une chaîne de restauration généraliste se mette à vendre des produits cultuels, que cette chaîne soit financée par une filiale du capital investissement de la Caisse des Dépôts et Consignations, non, tout cela n'a pas de quoi nous faire nous poser de questions. Les questions, c'est bon pour les fachos, c'est bien connu.
Et que ceux qui n'ont pas envie de manger au Quick aillent manger ailleurs ! C'est Dany qui l'a dit !
Aller ailleurs, oui. Aller ailleurs, encore et encore, ailleurs, de plus en plus ailleurs. Et le goût, lui, sera le même.

mardi 16 février 2010

Ô tant !...

Je suis d'avis de passer au moins au tant de temps en prière que sur facebook.


Cette phrase, hélas, n'est pas de Beuche. Il aurait pourtant aimé trouver cet aphorisme puissant, et ô combien révélateur.
Après ça, comment oser soliloquer sur la nature du web ?...

lundi 15 février 2010

Avec Beuchy je positive


Pendant des années, Beuche a fréquenté les hypermarchés. Les nouveaux produits, les étalages saturés de victuailles, les têtes de gondole sans aller à Venise, tout ça, il adorait, le Beuche.

Il y voyait ses congénères, souvent stressés et déconfits, parfois hargneux, et il ne comprenait pas, non, il ne comprenait pas : pourquoi diable venir dans un temple de la consommation si c'est pour ne pas prier le dieu Goinfrerie ? Aller dans un hypermarché pour n'y point flâner, Mon Dieu, c'est comme venir chez Beuche pour ne pas s'agenouiller : un déplacement pour rien, du temps perdu, un sacrilège.

Et Beuche est pieux.

Jusqu'au jour.
Jusqu'au jour où.

Jusqu'au jour où Beuche, le nez en l'air et le sourire aux lèvres, au milieu d'une allée presque déserte, s'aperçut qu'il était... nu ! Entièrement nu derrière son caddy le Beuche !
Mais comment est-ce possible ? M'enfin, il a bien fallu que je sorte de chez moi pour arriver jusqu'ici, que je monte dans la voiture, on aurait pu me le dire que je n'étais point vétu tout de même ! Mais personne ne m'a donc vu ? Et ici ? On va me voir ! Malgré le caddy ! Vide en plus !
J'ai affreusement peur, j'ai affreusement honte, j'ai envie de crier, pour qu'on vienne m'aider, j'y suis pour rien, pour rien du tout ! Est-ce ma faute si je me retrouve propulsé dans cet endroit sans que rien n'ait existé avant ? Je n'ai pas eu de temps, je n'ai pas eu de lieu pour m'habiller. Je n'ai rien sur moi, je ne peux même pas me payer un pantalon, puisque je n'aurai pas d'argent pour le payer. Je ne peux pas non plus sortir, puisque je n'ai pas pu entrer. Je ne peux pas rester, puisque je ne suis pas venu.

Je ne peux pas exister, puisque je ne suis pas né.
Ouf...

vendredi 12 février 2010

Avec Beuche, fêtons la Saint-Valentin !

Beuche va peut-être mourir sur la route, ce week-end. Ou bien d'un infarctus. Ou bien sera-t-il toujours en vie lundi.
S'il crève, il aimerait bien la chaconne de la partita n°2, le concerto pour violon BWV 1042, et Erbarme dich, de Bach bien sûr, à sa messe funéraire. Une belle messe, dans une belle église, bien catholique.
Et après, au feu ! Ça évitera à ma dépouille d'entendre la fureur absurde du monde, et à ma tombe de recevoir les jets de pisse des connards de passage.