Nous ne sommes pas sortis de la Collaboration. La Résistance aura retardé l'échéance, nous aura appris à espérer. La Résistance est inhumaine. L'héroïsme est inhumain.
Nos semblables, nos frères, notre lie, nous avons choisi le confort de la Collaboration, pour pouvoir nous vautrer dans dans les délices pimentés et garantis sans risques de la délation.
Ah ! La délation, la calomnie, bien planqué dans ton aigreur, tu aimes ça, hein ? Un enfant pleure, un chien aboie, un couple s'aime, un homme rit, des cloches sonnent, ça perturbe ta tranquilité, ça. Tu t'emmerdes, toi. Tes enfants te crachent à la gueule ou personne n'a voulu t'en faire, tu es incapable de donner, rien, à personne, à rien, tu voudrais pouvoir crever mais te tuer, connard, salope, tu en es incapable. Tu ne sais que mépriser, et ton mépris est à la hauteur de ton âme : minuscule. Tu le gardes pour toi, ton mépris. Enfin tu devrais. Car même ça, connard, salope, tu n'en es pas capable. Comme tu es incapable de l'exprimer en face. Comme tu es incapable de l'assumer.
Alors on te trouve de bonnes occasions de pouvoir l'exploiter en toute bonne conscience : c'est ça, et uniquement ça, le rôle de la politique, aujourd'hui.
Le téléphone. Ah, le téléphone. Tu es un roi, derrière ton téléphone. On ne te demandera rien, connard, salope, derrière ton téléphone. Tu pourras être anonyme et diffamant, pourvu que cela engraisse les amis du Bien. Un enfant pleure ? Il est battu, tu le sauves. Vite ! Il faut qu'il soit battu ! Et sauvé par toi ! Une femme jouit ? Nom de Dieu mais c'est un attentat à la pudeur ! Un homme rit ? Etat d'ivresse ! Un chien aboie ? Mais que fait la SPA ? Ça lui déchire le coeur, au connard, à la salope, vous comprenez ?
Plus aucune accusation n'a à être assumée : l'accusateur, aujourd'hui, n'a même pas à avoir de visage, et n'aura jamais à répondre de ses accusations : il est le garant du nouvel ordre moral, il est le héros, sa parole est d'évangile.
L'époque contemporaine, ou la parole sans visage. La déification de la lâcheté. L'obsession du mal.
Putain de trinité.
Apologie de la planque.
samedi 20 mars 2010
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4 commentaires:
Ça va mieux, maintenant ?
"Cependant, c'est la veille. Recevons tous les influx de vigueur et de tendresse réelle. Et à l'aurore, armés d'une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes." (A.R. "Une saison en enfer")
Appas : même pas.
Emmanuel : l'extrait que vous nous donnez à lire me fait étonnamment penser à Silvère et à Miette dans La fortune des Rougon, faisant leur promenade entrelacés l'un à l'autre sous une grande cape un soir d'hiver avant de rejoindre les insurgés républicains !
Beuche, quelle plume ! ;-)
Beau billet d'humeur, bravo !
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