vendredi 16 avril 2010
Comme une odeur de pain aux raisins...
Imbaprix, au bout de l'avenue.
Des boulangeries, des patisseries, tout du long. Ne pas oublier le pain aux raisins, en passant, avec sa crème patissière et son moelleux, son fondant, sa chaleur, presque. Ta mère ne l'oubliera pas. Tu lui demandes si vous pouvez traverser, voir, un peu, ce qu'ils ont, dans la librairie d'en face. Ces figurines de Schtroumpf, s'ils pouvaient en avoir reçu des nouvelles...
Cette librairie, c'est un peu ton refuge, avec toutes ses tentations ! Toutes ces BD, ces livres que tu ne connais pas, ces couleurs et ces odeurs qui te plongent dans une intimité dont tu n'aimerais pas sortir.
Mais il faut aller faire les courses, et tu pourras choisir ton dessert pour le dîner, si tu veux. Tu adores ça, faire les courses à Imbaprix : choisir ! Des étalages et des étalages, et choisir, prendre, ne rien être autre chose que pur désir, n'avoir devant soi que promesses absolues.
Et tu n'es pas pressé. Tu aimes que chaque geste, sur le chemin du retour, soit conforme à ce qu'il était, à ce qu'il sera : revenir d'Imbaprix se fait à pied. D'abord parce que vous n'aurez jamais de voiture, ensuite parce que chaque pas t'entraine vers ton dîner, chaque pas, chaque regard avec lequel tu caresses chaque boutique, chaque maison, chaque passant. Tu aides ta mère à porter les sacs, cette fraternité du quotidien t'attendrit : vous marchez ensemble dans la vie.
Le chemin est court, et pourtant il est long : long d'être parcouru tant et tant de fois, jusqu'à être éternel, éternel d'avoir été si profondément tracé sur le trottoir - jusque dans ta mémoire !
Dès lors, les pâtisseries pourront faire faillite les unes après les autres, les magasins d'informatique pourront remplacer les librairies, les casquettes les chapeaux, la poussière de tes pas pourra être soufflée par le vent et l'ombre de ta mère effacée par l'ombre de l'absence : tu seras, jusqu'à ta mort, ce chemin, cette promenade qui te ramenait d'Imbaprix !
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7 commentaires:
Nous serons toujours tout cela, et nous ne le serons plus jamais : c'est la raison pour laquelle c'est à la fois très beau et très triste.
Absolument. D'autant plus que nous ne nous en rendions pas compte, alors !...
"Et tu n'es pas pressé. Tu aimes que chaque geste, sur le chemin du retour, soit conforme à ce qu'il était, à ce qu'il sera..."
Vous ne pourriez continuer un peu Beuchy, juste quelques pages ... un texte aussi long que ces cils!
Isabelle
C'est sincère et ce n'est pas maladroit.
À chaque fois que je lis "Imbaprix", je suis ému. La poésie du texte est condensée, tout entière, dans ce mot inaugural.
Alors tu dois aimer les poèmes de Houellebecq.
"Rester vivant" m'avait en effet marqué. Bien vu, Beuche.
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