mardi 8 décembre 2009

Pas de printemps pour Lucie


Que feriez-vous, vous ?
Vous écrivez depuis plus de vingt ans, au départ vos livres se vendaient plutôt bien, puis de plus en plus mal, à tel point que votre dernier manuscrit est refusé par votre éditeur.
Un type que vous n'avez pas revu depuis vingt ans vient vous saluer dans une bibliothèque, vous savez que ce salopard écrit, lui aussi, sauf qu'il est millionnaire et célébré par le monde des Lettres et béni par les dieux des ventes.
Ce que vous ignoriez, en revanche, c'est qu'il est en plein divorce, son deuxième à vrai dire, et que son épouse compte bien lui faire cracher son pognon. Jusque là que du banal.
Puis vos yeux s'écarquillent à mesure que vos oreilles frémissent : le type, en mal d'inspiration et devant rendre un manuscrit dans quelques semaines, vous propose de lui filer le vôtre, de n'en rien dire, de vous asseoir sur votre nom, et de recevoir un versement de plus de cinq cent mille dollars.
Mais ce n'est pas tout : vous devez également... tuer sa femme.

Alors, que feriez-vous ?
Wayne, lui, adoubé et même encouragé par sa femme (une qui travaille dans le social, c'est dire sa perversion), ne se pose guère longtemps la question : il invite la supposée future ex-femme de l'écrivain millionnaire (Bryce) au restaurant, lui fait croire qu'il est en train de divorcer lui aussi, monte ensuite chez elle et, après une question anodine de la femme de Bryce, lui décoche un coup de poing dans le ventre. Geste non prémédité, la machine à tuer est lancée. Un ballet macabre s'ensuit. la femme se retrouve coincée au sol, sanguinolente. Wayne tente la strangulation, puis le coup du lapin. En vain. Elle respire toujours. Il faut l'achever. Il prend alors une petite table lourde et lui explose le crâne. Il fallait. Il fallait. Plus possible de reculer.
Voilà notre femme morte. Et Wayne sur elle. Qui commence à bander. Oh putain de putain, je vais pas commencer à vouloir me la baiser, en plus, qu'il commence à s'affoler, notre consciencieux artisan. Heureusement, la femme s'est chiée dessus. Wayne débande, il peut partir.

Les jours passent, les flics enquêtent, le manuscrit est remis à l'éditeur, l'argent est versé, Wayne ne pense plus qu'épisodiquement à son assassinat, qui n'en est plus un, de toute façon, même pas un cauchemar, un simple film, un mauvais film, dont il a eu la malchance d'être spectateur.

Mais Bryce, lui, regrettera longtemps de n'avoir pas pu contempler, ou mieux encore, effectuer ce meurtre.
Ça fait comment, un visage qui éclate ?...

11 commentaires:

a dit…

Que feriez-vous, vous ? est LA question taboue par excellence. Chez Westlake, la réponse est limpide. C'est bon ! (Vous avez lu Le Couperet ?)

Beuche a dit…

Beuche aime beaucoup toucher les tabous de ses doigts délicats, étant totem lui-même.
"Le contrat" est mon premier Westlake, "Le couperet" sera sans doute mon second (pas vu le film non plus).

Corto a dit…

Quelle horreur ! Quelle horreur !
[http://www.youtube.com/watch?v=W2NyAiJNsn8]

Georges de La Fuly a dit…

Corto, si vous saviez ce que les films de Cocteau ont compté pour moi, dans ma jeunesse… J'ai rêvé longtemps des motards et du miroir.

Corto a dit…

Mais que me dites-vous là, cher Georges : vous avez rêvé de motards, vous ? Confidences pour confidences d'errements prescrits, je vous avouerai que j'étais amoureux d'Odette Joyeux dans Sylvie et le fantôme. Il faut dire que Jacques Tati, en fantôme, manquait totalement de sex appeal.

Georges de La Fuly a dit…

Il ne s'agissait pas de rêves érotiques. C'était des rêves purement esthétiques, d'un noir et blanc somptueux, comme la télé de l'époque, celle qui nous laissait apercevoir Belphégor, cachés derrière la porte du salon entrebâillée.

Beuche a dit…

Si c'est pas érotique, une porte entrebâillée !...

Corto a dit…

Ah Belphégor ! Combien sommes -nous à l'avoir vu lors de sa première diffusion ? Mais vous avez raison, le noir et blanc de ce temps était somptueux.

PS. A la fin de l'émission, c'est sous mon lit que je vérifiais si Belphégor ne s'y cachait pas...

Georges de La Fuly a dit…

Est-ce que vous savez qu'on peut revoir Belphégor, Corto ? Ça s'achète sur le site de l'INA…

Tiens, en parlant de beauté en ligne, la Philharmonie de Berlin a désormais un site tout à fait remarquable, où l'on peut voir et entendre des concerts dans des conditions tout à fait remarquables. On peut acheter un concert à l'unité ou bien s'abonner pour une saison. C'est tout à fait unique et la qualité est stupéfiante !

Corto a dit…

Oui, oui, cela je le savais, cher Georges. En revanche si vous m'expliquiez comment vous faites pour placer des liens à cliquer dans vos messages. vous me rendriez un fier service.

Beuche a dit…

C'est ça, le blog de Beuche : on vient causer de tout, mais pas de ses billets de merde.