« Plus que la vanité précisément, c'est la soif de reconnaissance qui m'affecte — trait typique des bâtards, j'imagine (il est vrai que de reconnaissance je n'ai guère été abreuvé, ni d'un côté ni de l'autre : on manifesterait à moins un peu de manque...) »
Jamais, il me semble, Renaud Camus n'aura à ce point été travaillé par son héritage (ou son défaut d'héritage) que dans Une chance pour le temps.
La reconnaissance à laquelle il aspire ne vient pas, toujours pas. Des journalistes venus l'interviewer le nomment "Renaud Matignon" (déjà que R. Camus déteste son nom...), le PI ne compte que douze membres (comme les apôtres, certes...), les ventes de ses ouvrages ne décollent pas (« L'Amour l'Automne est déjà quarante-six millième sur la liste des meilleures ventes d'Amazon.com » — le génie humoristique de "déjà") et le groupe qu'il a créé sur Flickr ne comporte pendant des semaines qu'un seul membre : lui-même.
Alors pourquoi ? se demande l'auteur.
Il ne fait pas la démarche d'aller vers les autres. Il attend qu'on le voie. Les choses seraient plus simples si on faisait l'effort d'envoyer un message à tel et tel contributeur à Flickr susceptible d'être intéressé par son projet des demeures de l'esprit. Oui mais voilà, démarcher ainsi, c'est encore se faire porter à la connaissance de. Or, se fait-on porter à la connaissance de ceux qui sont censés nous reconnaître ? Non. Non mais voilà, sans ce sacrifice, pas de connaissance. Inutile, dès lors, d'envisager la reconnaissance.
Alors pourquoi ? se demande l'auteur.
Il ne fait pas la démarche d'aller vers les autres. Il attend qu'on le voie. Les choses seraient plus simples si on faisait l'effort d'envoyer un message à tel et tel contributeur à Flickr susceptible d'être intéressé par son projet des demeures de l'esprit. Oui mais voilà, démarcher ainsi, c'est encore se faire porter à la connaissance de. Or, se fait-on porter à la connaissance de ceux qui sont censés nous reconnaître ? Non. Non mais voilà, sans ce sacrifice, pas de connaissance. Inutile, dès lors, d'envisager la reconnaissance.
C'est ce constat amer décrit sans aucune amertume et avec beaucoup d'humour que Renaud Camus nous invite à savourer, et cela nous donne un volume de son Journal tout à fait admirable et qui me redonne envie, après la grosse déception que fut pour moi Loin, de m'immerger à nouveau dans cette confession d'un enfant du siècle que ce dernier laisse sur le bord de la route, ne connait pas, ne reconnait pas.
Or, comment peut vivre un être sans qu'il soit reconnu, ni vu, tel cet enfant qui hurle d'effroi de ne pas être vu, malgré ses cris, malgré son corps, malgré son regard implorant ?
Or, comment peut vivre un être sans qu'il soit reconnu, ni vu, tel cet enfant qui hurle d'effroi de ne pas être vu, malgré ses cris, malgré son corps, malgré son regard implorant ?
«J'ai bien peur d'avoir raté beaucoup, à commencer par ma vie même, que je n'avais pas imaginé à ce point effacée. »
« Bientôt c'est la vie même qui n'a plus grande importance. »
« Bientôt c'est la vie même qui n'a plus grande importance. »
Jusqu'au doute de sa propre réalité.
Jusque dans son quotidien, jusque dans les autres : les gens dans les couloirs d'hôtels qui ne vous regardent pas, qui ne vous saluent pas, les passants qui ne vous remercient pas lorsque vous les laissez passer, les gens qui dînent à côté de vous sans vous remarquer ; vous n'êtes pas vu, et vous n'existez plus.
Jusque dans son quotidien, jusque dans les autres : les gens dans les couloirs d'hôtels qui ne vous regardent pas, qui ne vous saluent pas, les passants qui ne vous remercient pas lorsque vous les laissez passer, les gens qui dînent à côté de vous sans vous remarquer ; vous n'êtes pas vu, et vous n'existez plus.
Heureusement il y a Pierre, qui illustre, au propre comme au figuré, « une chance pour le temps. »
Et l'humour fait style, seule distanciation possible vis-à-vis des ombres qui gagnent et qui bientôt avaleront tout.
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