lundi 29 mars 2010

Un coup de boules jamais n'abolira le hasard


Il arrive à Beuche, et contre toute attente, de passer des après-midi dans le seul plaisir de goûter aux joies simples.

Ainsi, hier, il était à un loto. Les cartons devant soi, les chiffres, les boules, les oreillettes, le suspense, les paniers garnis, il aime ça, Beuche. En général il supporte mal la promiscuité avec ses congénères mais hier, au Foyer municipal de vous vous doutez où, il était très bien, et même, si l'on osait, pourrions-nous le qualifier à la manière de Depardieu dans Les Valseuses de détendu du gland. Et même un peu plus que cela. Ou bien pas tout à fait.

Car c'est toujours dans dans la trivialité du quotidien que Beuche a des révélations, celles-là même qui vous édifient chaque jour un peu plus.

Autant lever le voile : Beuche était, avec sa chère et tendre, la seule personne de moins de 70 ans. C'est assez troublant, il faut bien le dire. Un peu comme si on commettait une intrusion chez une époque qui n'est pas nôtre. Et qui va très bientôt disparaître. Et avec laquelle nous n'aurons plus aucun lien charnel, sensoriel. Ces gens ont vécu la seconde guerre mondiale, l'Occupation, la Libération. Ces gens qui râlent parce que c'est le 63 et pas le 62 qui sort et que la quine va à Jeannette et pas à Raymonde, étaient-ils enfants de collabos ? Résistants ? Tondues ? Épurateurs ? Autre chose ? Quand ils mourront, à quoi penseront-ils ? Aux nazis ? À l'Algérie française ? Aux arabes ? À eux ? leurs parents ? leurs enfants ? Au Général ? Au Maréchal ?

Mais surtout, nous, les trentenaires aujourd'hui, que pourrons-nous raconter à nos petits-enfants ? Hein, quoi ? Quelle guerre ? Quelle frayeur ? Quel acte d'héroïsme ? de bravoure ? d'ignominie ? Quel évènement ?

Oh, les quinquagénaires, nos parents, eux, ils auront toujours Mai 68 et ses suites, mais nous ? Le Pen au second tour en 2002 ? La France championne du monde de football en 98 ?

À pleurer.

12 commentaires:

Nelly a dit…

Pour l'acte d'héroïsme, je propose :
utiliser sa friteuse électrique.
Mais bon, je dis ça...

Ånastase Petitpas a dit…

Bien vu !
De là à regretter de n'avoir pas vécu une guerre, il y a un pas.
Mais c'est bien vu.

Nelly a dit…

"Les cartons devant soi, les chiffres, les boules, les oreillettes, le suspense, les paniers garnis"

"détendu du gland"

"Beuche était, avec sa chère et tendre, la seule personne de moins de 70 ans".

Beuche : est-ce que, par hasard, vous étiez à l'opéra ?

Beuche a dit…

Anastase, il me semble aller de soi que ce texte ne fait en aucun cas l'état d'un regret de ne pas avoir vécu de guerre : juste la constatation que nous n'avons pour l'instant participé ni assisté (ou alors de très loin) à aucun acte, évènement, moment proprement historique (et les guerres en font partie, quoiqu'on en veuille). Il me semble que c'est une première dans l'Histoire, que toute une génération puisse connaître ce vide, et je trouve cela essentiel.

Nelly : presque, après avoir débranché la friteuse.

Emmanuel F. a dit…

Bon, on pourra toujours raconter nos escarmouches sur le (défunt ?) forum de la SLRC, mais il faut reconnaître que ça n'a qu'un très lointain rapport avec les Dardanelles...

Beuche a dit…

En effet...
En parlant de ça, vous avez des nouvelles de leur assemblée générale révolutionnaire ?

Emmanuel F. a dit…

Non, non, aucune nouvelle : j'espère que ça ne s'est pas mal terminé ; ce silence de mort depuis la fameuse réunion, c'en deviendrait presque inquiétant...

Beuche a dit…

Bon, Didier G et Renaud C en sont sortis vivants, en tout cas. Il y a des preuves, Monsieur !
Mais y sont-ils allés ?...
Aucune nouvelle en revanche de Rémi P et de Laurent M... Valérie S quant à elle est toujours de ce monde...
Vous avez raison, il y a vraiment de quoi trembler !!!

Beuche a dit…

Ils sont proprement hallucinants, les responsables de ce machin.
Trois semaines sans aucun message, et rien, absolument rien de leur part.
On laisse le cadavre à la vue de tous, abandonné, sans rien faire d'autre qu'attendre que la vermine le fasse totalement disparaître...

Emmanuel F. a dit…

Le plus drôle (ou le plus triste ?), c'est le message qui tient fièrement le haut du pavé depuis trois semaines : "De l'avenir de ce site" !

Ånastase Petitpas a dit…

J'avais bien compris.
Qu'on le veuille ou non, la guerre est une épreuve sinon initiatique, du moins révélatrice de soi et des autres, à ses propres yeux ou aux yeux des autres -ce qui importe moins.
Mais il y en a d'autres, que nous avons tendance à fuir, alors que nous sommes déjà prémunis contre presque toutes.
De nos jours, dans nos contrées, quelles épreuves pour nous révéler, ou du moins nous tester ?
Ce n'est sans doute pas la fin de l'Histoire, juste la fin de l'histoire de l'Occident.

Beuche a dit…

« De nos jours, dans nos contrées, quelles épreuves pour nous révéler, ou du moins nous tester ? »
« Ce n'est sans doute pas la fin de l'Histoire, juste la fin de l'histoire de l'Occident. »

Voilà la réponse, Anastase ! L'épreuve, c'est notre propre perte, notre propre disparition, notre exécration, de notre propre fait.
La voilà, l'ultime épreuve !