samedi 17 avril 2010

L'obscénité d'avoir raison


Sachez avoir tort. Le monde est rempli de gens qui ont raison. C'est pour cela qu'il écoeure.

Louis-Ferdinand Céline, extrait d'une lettre à Henry Miller


La plus forte de toutes les passions humaines, et l'une des plus basses, c'est d'avoir raison
je veux dire d'avoir raison de façon emphatique, reconnue de toute part, et de disposer d'une parole qui ne souffre aucune contestation, ne tolère aucune nuance, peut mettre à mort quiconque se permettrait d'émettre, sur un point particulier, la moindre objection. C'est ce que j'ai appelé ailleurs les armes absolues de langage. Elles offrent à qui les détient l'une des jouissances les plus abjectes, la pleine liberté de haïr et de persécuter avec la certitude de la vertu, l'approbation générale des foules et la conviction flatteuse de ne faire que son devoir. (...)
Le propre de l'
arme absolue de langage, c'est qu'elle confond tout. L'essentiel pour elle, c'est qu'aucune parole ne puisse se dresser davant elle. De toutes ces armes absolues, le mot pédophilie est actuellement le plus efficace. Rien ne lui résiste, il lamine tout sur son passage. Sous son rouleau compresseur se confondent le viol et le plaisir partagé, le meurtre et l'amour, la torture et les caresses, ce qui se passe dans les larmes, la tristesse ou les hurlements et ce qui se passe dans la tendresse ou le rire, l'achat d'une cassette ou le découpage en morceaux d'un enfant.

Renaud Camus, Derniers Jours, pp 124-125


Précisons donc encore une fois, bien que ce me soit très pénible, et que j'aie l'impression de céder, ce faisant, à l'obscène chantage qu'imposent les armes absolues. Je trouve monstrueux qu'on tue les enfants. Je trouve abject qu'on les viole. Je trouve épouvantable qu'on leur impose sans nécessité la moindre souffrance physique ou mentale (je dis sans nécessité parce qu'on les fait bien souffrir quand on les emmène chez le dentiste ou qu'on doit les faire opérer, mais c'est pour leur bien). Je trouve répugnant qu'on les contraigne non pas à quoi que ce soit, comme j'allais l'écrire par emportement, alors que toute éducation est contrainte, mais à toute pratique sexuelle, si légère soit-elle. Et je suis partisan des châtiments les plus sévères pour quiconque se rend coupable de ces crimes.
Je pense qu'Hitler est le plus grand criminel que la terre ait porté. Je pense que la déportation et les camps de concentration sont la plus effroyable entreprise qui ait marqué le cours de l'histoire. Je ne mets en doute ni l'existence des chambres à gaz, ni l'abomination incomparable de ceux qui les ont fait fonctionner, et de leurs complices.

Je pense aussi que, formulées ainsi, les phrases qui précèdent peuvent être perçues comme absurdes ou obscènes non pas par défaut de vérité, mais par excès.

Ibid, p.129

7 commentaires:

Corto a dit…

C'est pénible ce besoin constant de se justifier et d'en arriver à écrire pareilles banalités !

Beuche a dit…

Je ne suis absolument pas, mais alors absolument pas d'accord avec vous, Cher Corto.

Beuche a dit…

Ah tiens, tant que je vous ai sous la main, si je puis dire : c'est vous qui vous êtes banni de la SLRC ou bien est-ce une main divine qui vous a supprimé votre identité ? Votre nom n'apparait plus avec vos messages !

Corto a dit…

Ainsi, cher Pascal, vous ne trouvez pas cet extrait d'une affligeante banalité :"Je pense qu'Hitler est le plus grand criminel que la terre ait porté. Je pense que la déportation et les camps de concentration sont la plus effroyable entreprise qui ait marqué le cours de l'histoire. Je ne mets en doute ni l'existence des chambres à gaz, ni l'abomination incomparable de ceux qui les ont fait fonctionner," ?

Quant au site de la SLRC, c'est une main divine bien maladroite qui est intervenue et n'a ainsi exaucé que ma prière de ne plus m'y voir, mais pas de ne plus m'y lire....

Quant à mon épisodique présence sur votre estimé site, elle n'est due qu'aux nombreuses chicanes qu'il m'est demandé actuellement de dénouer. Pardonnez au vieux lapin d'Alice d'être si pressé.

Beuche a dit…

« Je pense aussi que, formulées ainsi, les phrases qui précèdent peuvent être perçues comme absurdes ou obscènes non pas par défaut de vérité, mais par excès. »
C'est bien sûr la mise en abîme de ces phrases sincères et banales qui révèle l'obscénité qu'il y aurait à les dire, soit à parler comme certains voudraient que tout le monde parle, et à ne dire que celles-ci.
Cette dernière phrase, loin d'annuler la sincérité de celles qui précèdent, les révèle : elles sont impossibles de trivialité obscène lorsque écrites.
La littérature ne peut avoir affaire à ce genre de phrases, elle ne peut être univoque, car alors elle en devient dégueulasse.

Corto a dit…

Vous avez raison, cher Pascal !

Beuche a dit…

Moqueur.