mercredi 25 novembre 2009

Sale pute


« Tu prends combien ? »
« C'est deux dollars, mon chou. »
En voilà trois. Je les détache négligemment, comme si ce n'était rien du tout, et je me fends même d'un sourire parce que réellement l'argent ne compte pas, là d'où ça vient il y en a toujours, même qu'en ce moment précis la Mamma est près de sa fenêtre à guetter le retour du Vieux en disant son chapelet, mais pour ce qui est de l'argent il y en a, il y en a toujours. Elle le prend et le glisse sous l'oreiller. Son sourire est différent à présent, comme reconnaissant. L'écrivain veut causer ? Eh bien on va causer. Comment ça marche le boulot ces temps-ci ? Est-ce que ça lui plaît, ce genre de vie ? Oh, dis, chéri, la barbe avec ça, on causera de ça plus tard, pour le moment on a mieux à faire. Non, non, je veux causer, c'est important, prochain livre, source, matériaux. Je fais ça souvent. Et comment t'en es arrivée là, à faire ce métier ? Oh, chéri, merde, tu veux quand même pas causer de ça aussi ? Mais l'argent n'est pas un problème, je te dis. D'accord, mon chou, mais mon temps à moi il est précieux. Bon, tiens, voilà encore deux billets. Ça fait cinq, mon Dieu, cinq dollars et je ne suis pas encore dehors, oh, comme je peux te détester, sale pute. Mais tu es quand même plus propre que moi, parce que toi au moins tu n'as pas d'esprit à vendre, juste ta pauvre viande.

John Fante, Demande à la poussière

24 commentaires:

a dit…

Pourquoi cet extrait-là ?

Beuche a dit…

Parce que je l'aime énormément, bien sûr. Mais pourquoi je l'aime, alors ? Comment connaître l'origine de ses goûts ?
Et puis je le trouve très représentatif du livre.
Vous avez déjà lu Fante ?

Corto a dit…

Oui, je crois bien. "Mon chien stupide", c'était de lui ? J'aime beaucoup John Fante.

a dit…

Oui, je l'ai lu. "Mon chien stupide" est mon Fante préféré.

Beuche a dit…

"Demande à la poussière" est le premier Fante que je lis (et même pas encore fini !), je trouve ça remarquable.

Georges de La Fuly a dit…

Et moi ma fente préférée, vous voulez que je vous en parle ?

Beuche a dit…

Oh que oui ! Elle est dans la poussière aussi ?

a dit…

(Il s'agit de "Mon chien Stupide", pardon.)

Beuche a dit…

Vous êtes toute pardonnée, Kimounette.

a dit…

Je sais.

Beuche a dit…

Et non, Kimounette, il s'agit bien de "Mon chien stupide", pas de "Mon chien Stupide" !

a dit…

Non ! "Mon chien Stupide", j'en suis certaine, je l'ai sous les yeux en ce moment.

Beuche a dit…

Mauvaise traduction : "My stupid dog" ne se signifie pas que le chien se nomme "Stupide" (d'autant qu'il n'est pas question de chien, à ce que je crois savoir en ayant lu "Demande à la poussière", un des plus beaux romans que j'ai pu lire, foi de Beuche) !

a dit…

Le vrai titre est "West of Rome"...
Le chien s'appelle bien Stupide.

Beuche a dit…

West of Rome ? Mais de quoi parlez-vous ? Je ne comprends pas.

a dit…

"Mon chien Stupide" est le titre français non traduit du titre original "West of Rome". Je ne sais pas comment vous l'expliquer autrement !

Beuche a dit…

Bien, "My stupid dog" semble être l'une des deux nouvelles composant le recueil "West of Rome".
Il semble s'y agir effectivement d'un chien (ma confusion vient du fait que dans "Demande à la poussière" le narrateur (alter-égo de Fante, Bandini) dit que sa première nouvelle s'appelait "Le pêtit chien qui riait" et où il n'était pas question de chien).

Beuche a dit…

Nos messages se sont croisés !

a dit…

Vous ne me croyez donc pas sur parole ?

Beuche a dit…

Disons que je n'en suis pas encore tout à fait là, hein...

a dit…

Ça m'est égal, je m'en fous, croyez-moi.

Beuche a dit…

Mais je sais bien, oh là là ! On va pas communiquer par smilos (comme dirait Jojo) maintenant !

Beuche a dit…

Kimounette qui vous en foutez, vous avez raison.
Mon chien Stupide.
My dog Stupid.

Georges de La Fuly a dit…

Tellement typique Beuche, cette conversation…