vendredi 5 mars 2010

La Fortune de Zola


Pour la première fois de sa vie, Beuche est passionné par une oeuvre qui ne lui donne aucune envie de connaître ni a fortiori d'aimer l'auteur d'icelle. Il en est stupéfait.

D'habitude, une des grandes passions beuchiques est de faire un genre de rencontre avec tel ou tel auteur (pensons à Deleuze qui disait que les vraies rencontres ne se font pas entre individus mais entre individu et oeuvre).

Identification, contradiction, confrontation, et j'en passe, tout ce qu'on voudra, mais il lui faut voir un auteur, à Beuche, il lui faut le connaître. Lire une oeuvre pour vivre un peu avec son auteur, en quelque sorte. Peu importe qu'il soit mort et que son oeuvre ne soit pas autobiographique : il vit par son oeuvre, Beuche lit cette oeuvre, donc il rencontre l'auteur.

Or, avec Zola, rien de tout cela. La lecture des Rougon-Macquart est une pure merveille, un de ces actes qui comptent dans une vie, qui marquent un avant et un après (nous essaierons d'y revenir, et d'y revenir à plusieurs reprises).
Pourtant, Zola n'attire pas Beuche. Ses personnages, oui. Mais alors l'auteur, pas du tout.

À quoi est-ce donc dû ?
Beuche ne le sait ni ne le comprend.

Et si c'était tout simplement la preuve éclatante de la victoire, du triomphe même, du génie de Zola ?
S'effacer derrière ses personnages, les rendre plus importants que lui, comme autonomes ?

7 commentaires:

Appas a dit…

Zola est un documentariste, oui, qui s'efface. Comment aimer aussi quelqu'un qui met à nu ce qu'on fuit chez les autres — et chez soi. Il nous fait peur. Il tient le miroir. Il est le messager qui apporte la mauvaise nouvelle.

Beuche a dit…

Bien plus qu'un documentariste !

Beuche a dit…

Et il n'est pas le seul messager de la mauvaise nouvelle !
Vous trouvez qu'ils apportent la bonne nouvelle, Dostoïevski, Céline et Carver, entre mille autres ?
Non non, le manque d'intérêt que je trouve à la personne de Zola est à chercher ailleurs.

Didier Goux a dit…

Si jamais l'envie de connaître l'homme Zola vous prenait néanmoins, le meilleur remède serait alors le journal des Goncourt : le portrait qui s'en dégage est impitoyable.

Appas : je ne suis pas d'accord avec vous, le côté “documentariste” est largement de la foutaise (trois jours dans l'Eure-et-Loir pour La Terre, une visite éclair de mine pour Germinal, etc.). En fait, Zola est tout sauf un “naturaliste”, ses livres grouillent de fantasmes, d'obsessions, de répulsions, etc.

Quant à lui trouver du génie...

Beuche a dit…

Didier, je suis parfaitement d'accord avec vous sur Zola soi-disant naturaliste : c'est une écriture, lorsqu'elle est à son meilleur, fantasmagorique et hallucinée (l'errance de Gervaise à la fin de L'Assommoir, où se déroulent devant ses yeux d'ivrogne tous les pires cauchemars en préparation durant les pages précédentes, les baisers du jeune Silvère sur les seins de la vierge Miette durant son agonie sur le drapeau français (!) dans La Fortune des Rougon, etc...).

Et oui, je lui trouve du génie, vraiment. Un génie prophétique entre autres : faire dire au marquis de Carnavant : « La monarchie est décidément devenue trop honnête pour les temps modernes. Son temps est fini. », c'est épatant, tout de même, non ? Zola est un visionnaire.

Didier Goux a dit…

Voyons, Pascal : Balzac avait déjà vu tout cela cinquante ans plus tôt ! Notamment dans cet extraordinaire roman, Les Paysans. Profitez la fin de la monarchie au plus fort de la Restauration était autrement plus fort que de le faire sous la IIIe République de Félix Faure et de Clemenceau !

Mais enfin, j'ai lu Zola avec passion vers 18-19 ans, et j'ai relu une dizaine de Rougon-Macquart il y a quelques années avec beaucoup de plaisir et d'intérêt. C'est d'ailleurs durant cette relecture que m'est nettement apparu ce côté que vous appelez à juste titre "halluciné" de l'écriture de Zola.

Beuche a dit…

Bon, bon... Pardonnez mon ignorance Didier ! De Balzac, je n'ai lu que La peau de chagrin, Eugénie Grandet et Le curé de Tours. Ça craint du boudin, comme dirait l'autre...
Je note "Les paysans".
Merci.