jeudi 11 février 2010

Le cercle de la merde


Cette nuit, Beuche a rêvé.


Il avait très envie de chier, une envie inextinguible, irréprécible, insoutenable.
Il était dans un lieu inconnu, et public.
Voilà des toilettes. Hélas, elles sont dans une grande pièce, une pièce de passage. Tant pis, prions que personne ne vienne.
Hélas, la peur constipe. Vite, vite, libère-toi de ton étron et casse-toi, Beuche ! Ça y est, ça sort, mais ça colle. Et un type entre.
« Ah, c'est pas pratique ces chiottes hein ! » Il compatit, et se lave les mains. Je m'essuie.


Serait-ce là une allégorie du Beuche on the blogs ?

mardi 9 février 2010

Vive le pognon !


Vous l'aurez sûrement remarqué, fidèles et adorables lecteurs par moi choyés, désormais, sur les murs de mon lupanar, il y a de la pub !

Beuche a décidé, voyant les chiffres incroyables de la fréquentation de son blog, de se faire du pognon !

Quoi de plus normal ? Je deviendrais fou, si je laissais les traces de mon génie s'épancher sans rétribution.

Je ne fais pas encore payer la consultation, alors profitez-en.

Vous devriez tous vous prosterner devant Beuche et le prier par Paypal, bande d'ingrats.

Allez, cliquez !

lundi 8 février 2010

Quand le feu s'éteint


Pourquoi faut-il donc que chaque pas en avant soit en fin de compte un obstacle ? Pourquoi faut-il que chaque mouvement de notre volonté se révèle être un poison pour notre désir ? Pourquoi nos efforts pour aller mieux ne trouvent-ils comme récompense que la mélancolie des jours sans grâce ?

On fume.
C'est cher. C'est sale. On se réveille la tête lourde, l'odorat anesthésié, la gorge endolorie.

On veut faire des économies, ne plus encombrer sa cour de mégots virevoltants, se sentir plus légers, réceptifs, on veut pouvoir entrer plus avant en chaque jour qui vient.

On arrête de fumer.
On compte les jours. On se dit qu'on est contents, de tenir bon. De jour en jour, on a la tête moins lourde, les voies respiratoires moins meurtries.
Mais on se sent vide. Et ce vide est mortifère. Là où on se disait santé, on pense agonie lente. Là où notre chair brûlait, ce n'est pas la santé : c'est le désert.

Saloperie de corps.

samedi 6 février 2010

1984


J'ai cinq ans, plus personne ne veut de moi. Je suis loin, si loin. Il fait sombre dans cette baraque, l'humidité me glace les os.
J'attends Maman. Elle finira bien par arriver, elle finira bien par se rappeler où je suis, elle finira bien par me retrouver. Elle. Lui part, ils ne peuvent pas être deux. Ils n'ont pas pu être deux à rester, ils ne pourront pas être deux à partir.
J'ai peur. Je reste dans un coin, seule Maman doit savoir où je suis. Ne surtout pas me faire remarquer. La dame chez qui je suis ne m'inspire pas confiance. Il ne faudrait pas qu'elle me tape.
Je ne dis rien, il faut bien que Maman aille s'occuper des papiers, c'est elle qui me l'a dit. Hier soir, elle pleurait dans le couloir, par terre. Quand je suis allé la voir, Lui venait de claquer la porte. Je crois qu'il ne sert à rien d'attendre qu'il nous amène à la mer.
Je ne peux que pleurer, c'est plus fort que moi. Je ne fais rien de mal, Madame, je n'y peux rien.
Alors pourquoi s'avance-t-elle vers moi un martinet à la main ? Et pourquoi ces coups sur mon corps et mon visage ? Et pourquoi cette absence de marques ? Et pourquoi cete absence de douleur ? Et pourquoi Maman ne me croit pas ?

mercredi 3 février 2010

Une odeur de crépuscule


Hier soir, il faisait agréablement frais, à six heures et demie, sur le chemin de terre où je raccompagnais mes enfants jusqu'à notre chez-nous. Le ciel était pur et rose, les maisons orangées, tout était calme.
Ils riaient, nous marchions comme un seul homme, tranquillement.
Et je me suis dit que plus jamais je ne raccompagnerai mes enfants, de l'école, dans la nuit.
Ça m'a foutu un sacré coup, bon sang !

dimanche 31 janvier 2010

Chez Colombe


Beuche aime beaucoup revenir de ses préjugés et descendre de son arrogance (car ces travers il les connait, hélas, parfois).
Ainsi, durant des années, on ne sait trop pourquoi, il déclarait de son air bravache ne pas aimer, mais alors pas du tout, Émile Zola. Il n'en avait lu que cinquante pages, mais tant pis, il n'aimait pas il n'aimait pas il n'aimait pas.
Sauf que.
Sauf que "L'assommoir" trainait depuis plusieurs mois dans sa bibliothèque. Un bar de prolos, des poivrots, ça ne pouvait que l'interpeller, à Beuche.
Et en effet.

L'assommoir est un des romans les plus puissants que Beuche ait pu lire (il en a quand même lu quelques-uns, dans sa plutôt jeune vie), et Beuche est tout émoustillé à l'idée de le proclamer haut et fort, il a l'impression de découvrir la lune !

Ce qui lui plait, à Beuche, c'est ce bras d'honneur magistral que Zola fait à toute pose d'intellectuel, à toute pose d'écrivain raffiné, à toute pose de décadent, même.
La vérité, toute crue, l'état des lieux, c'est un tableau, c'est une photographie, qui débordent de leurs cadres jusqu'à aujourd'hui et irradieront sans doute demain.
C'est une lecture par ailleurs fort éprouvante, où pas un seul des personnages ne rattrape l'autre, où les curés pensent avant tout à l'argent, où les petites filles sont vicieuses et où celles qui ne le sont pas sont victimes de sévices, où les poivrots pourrissent sans vraiment crever et où les travailleurs tombent et ne se relèvent pas de leur chute dans la vinasse, où les mères sont molles et lâches, où les vieilles dames sont aigries et les vieux messieurs des animaux qui crèvent sous les escaliers.

Aucun pathos, pourtant, et c'est, très certainement, ce qui bouleverse le lecteur : il ne peut, même envers les victimes de cet Assommoir-là, y avoir totale identification, totale empathie, pleine compassion.
Cette conne de Gervaise, on a envie de lui mettre des beignes ! Tu vois pas que t'avais du courage, de l'allant, de beaux projets, de la volonté, et que tes poivrots t'ont tout bouffé, jusqu'à ton âme de dégénérée ?
Regarde-toi, avec ta fille qui devient une salope, dans ce bar miteux, au milieu de ces soûlards que tu méprisais, pleine à ton tour, en train de leur sourire, de te faire, par la destruction de toute ta personnalité, leur complice, le complice de ta propre perte ?

Rachat

Je, soussigné Pascal Labeuche, déclare avoir racheté l'estaminet "Chez Beuche" pour cause d'utilité publique avérée.
Beuche sera donc désormais l'employé de Pascal Labeuche, et soumis à lui, ainsi que tous ses billets.
Nous laissons pour l'instant les commentaires ouverts au tout-venant des faubourgs webmatiques, mais tout débordement ou tout abus d'ivrognerie entrainera irrémédiablement la censure.
Merci de votre attention.

Négociations en cours

vendredi 29 janvier 2010

lundi 25 janvier 2010

samedi 23 janvier 2010

Le spectre de la bâtardise


« Plus que la vanité précisément, c'est la soif de reconnaissance qui m'affecte — trait typique des bâtards, j'imagine (il est vrai que de reconnaissance je n'ai guère été abreuvé, ni d'un côté ni de l'autre : on manifesterait à moins un peu de manque...) »

Jamais, il me semble, Renaud Camus n'aura à ce point été travaillé par son héritage (ou son défaut d'héritage) que dans Une chance pour le temps.

La reconnaissance à laquelle il aspire ne vient pas, toujours pas. Des journalistes venus l'interviewer le nomment "Renaud Matignon" (déjà que R. Camus déteste son nom...), le PI ne compte que douze membres (comme les apôtres, certes...), les ventes de ses ouvrages ne décollent pas (« L'Amour l'Automne est déjà quarante-six millième sur la liste des meilleures ventes d'Amazon.com » — le génie humoristique de "déjà") et le groupe qu'il a créé sur Flickr ne comporte pendant des semaines qu'un seul membre : lui-même.
Alors pourquoi ? se demande l'auteur.
Il ne fait pas la démarche d'aller vers les autres. Il attend qu'on le voie. Les choses seraient plus simples si on faisait l'effort d'envoyer un message à tel et tel contributeur à Flickr susceptible d'être intéressé par son projet des demeures de l'esprit. Oui mais voilà, démarcher ainsi, c'est encore se faire porter à la connaissance de. Or, se fait-on porter à la connaissance de ceux qui sont censés nous reconnaître ? Non. Non mais voilà, sans ce sacrifice, pas de connaissance. Inutile, dès lors, d'envisager la reconnaissance.

C'est ce constat amer décrit sans aucune amertume et avec beaucoup d'humour que Renaud Camus nous invite à savourer, et cela nous donne un volume de son Journal tout à fait admirable et qui me redonne envie, après la grosse déception que fut pour moi Loin, de m'immerger à nouveau dans cette confession d'un enfant du siècle que ce dernier laisse sur le bord de la route, ne connait pas, ne reconnait pas.

Or, comment peut vivre un être sans qu'il soit reconnu, ni vu, tel cet enfant qui hurle d'effroi de ne pas être vu, malgré ses cris, malgré son corps, malgré son regard implorant ?
«J'ai bien peur d'avoir raté beaucoup, à commencer par ma vie même, que je n'avais pas imaginé à ce point effacée. »
« Bientôt c'est la vie même qui n'a plus grande importance. »
Jusqu'au doute de sa propre réalité.
Jusque dans son quotidien, jusque dans les autres : les gens dans les couloirs d'hôtels qui ne vous regardent pas, qui ne vous saluent pas, les passants qui ne vous remercient pas lorsque vous les laissez passer, les gens qui dînent à côté de vous sans vous remarquer ; vous n'êtes pas vu, et vous n'existez plus.

Heureusement il y a Pierre, qui illustre, au propre comme au figuré, « une chance pour le temps. »

Et l'humour fait style, seule distanciation possible vis-à-vis des ombres qui gagnent et qui bientôt avaleront tout.

mercredi 20 janvier 2010

La révélation beuchique

Il faut être complètement maso pour s'évertuer à trouver des conneries à dire, sur son blog, pour n'en même pas recevoir un centime !

lundi 18 janvier 2010

La phrase du jour (au moins)

Les Haïtiens, comme le 93, ne sont pas dans l'anarchie parce qu'ils sont pauvres, ils sont pauvres parce qu'ils sont dans l'anarchie.

Renaud Camus, ici

dimanche 17 janvier 2010

Hommage à K2B

« Encore un plaisir qu'on nous a ôté... »


Sans être un inconditionnel des chagattes touffues, Beuche a rarement lu un texte aussi beau, fort et juste que celui-ci.

Le glabre est le sobre sabre glacé de la transparence totalitaire. Quelle phrase !

Il s'agit bien entendu moins d'une apologie du poil que d'une diatribe contre notre contemporanéité qui se croit seule dans l'Histoire, seule dans le Temps, seule à avoir raison, seule à exister, au fond.

Grand texte, qu'on souffre un peu de ne lire "que" sur Internet.
D'un homme qui laisse Beuche de plus en plus perplexe.
Mais c'est une autre histoire...

dimanche 10 janvier 2010

Joyeux anniversaire Georges !

Joyeux anniversaire, Georges !
Pour votre franchise, pour votre humour, pour votre talent, pour les joies et les exaspérations que vous m'apportez, pour votre gâteau et vos « Allez-vous faire enculer ! », vos douches écossaises et votre générosité, bref pour ce que vous êtes : excellents 54 ans !

jeudi 7 janvier 2010

Un homme intègre est mort


Beuche appréciait et respectait beaucoup Philippe Séguin, un des rares hommes politiques contemporains à n'avoir jamais fait la pute ni tendu son cul, préférant suivre son chemin selon ses valeurs que se compromettre pour des raisons électoralistes.
Beuche aurait bien aimé que cet homme soit président de la république française, notre pays aurait eu une autre gueule, il a la naïveté de la penser.
Que l'âme de Philippe Séguin repose en paix, et que cet homme, sa droiture et son humanisme ne soient jamais oubliés.

lundi 4 janvier 2010

Un caprice berrichon (à Muriel et Paulo)

Autant le dire tout de suite : Beuche voyage, parfois.
Nous voulons dire : Beuche voyage vraiment, pas seulement sur la Toile, il ne fait pas que surfer indolent sur les vagues frénétiques du web, il bouge aussi parfois sa couenne d'un bout à l'autre de l'espace.
Et quand Beuche voyage, l'exotisme n'est jamais loin : ainsi que l'atteste cette merveilleuse Berrichonne.

Pensez donc : Beuche, qu'il se couchât, qu'il se levât, voyait en permanence, alanguies ou fièrement juchées sur leurs solides pattes, ces magnifiques vaches, silencieuses et contemplatives, une vétitable ode à la sérénité, une métaphore de la quiétude, un hymne à la placidité.
Il neige ? Les vaches ruminent.
Il pleut ? Les vaches ruminent.
Il vente ? Les vaches ruminent.
Il fait froid ? Vous avez compris ce que les vaches font.
Inutile d'être redondant : ces belles Berrichonnes furent un véritable objet de désir beuchique.

Impossible pourtant de les approcher pour leur tapoter en guise d'amitié leur impeccable jarret : les vaches comprirent tout de suite les intentions sous-jacentes beuchiques, en tout cas son désir caché, profond, lancinant et inaltérable.

Oui, chers lecteurs, Beuche admira tellement ces vaches qu'il voulut en tuer une.
Oui, tuer. La caresser, tout d'abord. Tendrement, puis de plus en plus brutalement, jusqu'aux coups de poing, pour mieux ressentir la dureté de sa chair, et éprouver comme il se doit son stoïcisme. Là, sortir un poignard, et l'enfoncer comme dans du beurre, sûrement, avec sang-froid mêlé d'amour, oui, d'amour, affectueusement, en guise de reconnaissance : tu me plais donc je te montre que je veux profiter de tout ce que tu peux m'offrir, ô belle vache, bientôt tu vas t'écrouler, et tu ne diras rien, et tu t'alanguiras à mes pieds, belle blanche touffue que ne corrompra point ton sang vermeil et pléthorique, et je te découperai, mais ne t'inquiète pas, je respecterai ta pudeur, tu as suffisamment abreuvé de ton sang la terre de tes ancètres, alors viens, sous cet arbre, oui, à l'abri des regards des corbeaux et des chèvres, je vais te dépecer, et dans la grange je te laisserai maturer, et dans un mois je te dégusterai, ô ma vache, ô ma Berrichonne, ô mon doux fantasme rural !

lundi 28 décembre 2009

L'idéal beuchique


Lecteur ou auteur, bienheureux est celui qui, ayant achevé les dernières lignes d'une nouvelle, reste un moment pétrifié sur place, à ruminer sur ce qu'il vient de lire ou d'écrire. Dans l'idéal, il faudrait que notre coeur, ou notre esprit, en ait êté un tant soit peu chamboulé. Que notre température se soit élevée ou abaissée d'un degré. Qu'ensuite notre respiration retrouve son rythme normal et que, nous ressaisissant, redevenant ces « créatures de sang chaud et de nerfs », comme le dit si bien l'un des personnages de Tchekhov, nous nous levions pour passer à autre chose : la vie. Toujours la vie.


Raymond Carver, À propos de Where I'm calling from ( in N'en faites pas une histoire)

vendredi 25 décembre 2009

Stéphane Guillon est un con

Autrefois, les bouffons étaient interdits de cathédrale.
Aujourd'hui, ils célèbrent la messe.

mercredi 23 décembre 2009

L'avent et Beuche


Il est sans doute difficile pour certains (et certaines, hein, bande de cochonnes) d'entre vous de réaliser pleinement que Beuche est un être de chair et de sang, un qui mange, boit, respire, fait caca et pipi, bref est confronté lui aussi aux contingences et nécessités triviales de la vie telle qu'elle va pour un humain.

Ainsi, Beuche, ce matin, est allé à la Poste. Oui. Et Beuche a vu les guichetières (oui, les guichetières, inutile de les nommer autrement puisque ce sont des guichetières) coiffées d'un bonnet de Père Noël. Oui. Des employées du service public victimes de sévices publics. Car leur chef, tel un diablotin désarticulé sorti de sa boîte, hurla à la file (à la Poste, les gens sont une file, il faut s'y faire) : « Alors, elles vous plaisent, comme ça, mes collègues ? » Aucune réaction. Aucune.

À midi, il a fallu que Beuche se nourrisse. En fin gourmet, Beuche est allé au Mac Do. Oui, au Mac Do. Inutile de dire ce qu'il y a mangé. Puis il en est sorti. En vidant son plateau dans le lieu prévu à cet effet (car Beuche est citoyen-consommateur-responsable), ses yeux furent arrêtés par un tee-shirt que portait fièrement un boutonneux sympa et rebellos et qui représentait le Christ portant sa croix d'une main comme s'il s'agissait d'une épée-laser de Jedi. Beuche s'est alors demandé si un modèle équivalent existait avec Mahomet, et si notre petit malin l'aurait porté avec le même air bravache.

lundi 21 décembre 2009

Quelle pénétration préfères-tu ?


Aujourd'hui, un ami de Beuche a fait un psycho-test lui révélant quelle était la pénétration qu'il préférait effectuer avec sa bite.
Cet ami a ensuite publié sur le mur de ses quelques trois-cents amis quel était ce type de pénétration.
Visiblement satisfait par la teneur du résultat, cet ami a laissé un commentaire dans son statut, pour dire que oui, oui oui, les amis, c'est vrai, c'est comme ça que j'aime baiser.

Un ami qui publie un commentaire sur le statut de son mur.
Que ceux qui ne voient pas la dimension lyrique et tragique de cette phrase désormais postulat de tout lien social jettent la première pierre à Facebook.

Car il y a aussi des filles seules qui, nous dit-on, aiment l'amour et ont envie de câlins.
Il y a aussi des amis qui n'en ont pas beaucoup, et qu'il faut aider à en trouver.
Il y a aussi cet ami qui n'est pas très présent sur la Toile, et qu'il faut quand même saluer (par Facebook, évidemment).
Il y a cette proposition évidente et altruiste d'inviter des amis à rejoindre Facebook.
Et puis il faut devenir fan, d'une pouffe siliconée, d'un génie de la peinture, d'un dessin animé ou de son voisin mais qu'importe le flacon pourvu qu'on ait le fan.

Et il y a Beuche. Qui lui n'a pas besoin de faire le test. Il connaît sa position préférée.
Celle du serpent qui se mord la queue.

mercredi 16 décembre 2009

C'est la faim qui compte, qu'elle dit, Kimounette...


Ce qu'il y a, c'est que je ne suis pas écrivain. Mais peut-être ai-je suffisamment insisté là-dessus ? Tant pis. C'est ça, mon drame. Par un caprice de la destinée, j'ai été introduit dans une vaste salle où se déroule un festin inouï. Autour de moi, les gens se pressent vers la table, et plus ils avancent, plus exquis sont les mets. Je n'avais pas faim avant d'entrer, mais l'odeur de mangeaille, le spectacle des convives en train de se régaler, j'ai fini par être pris de fringale, moi aussi. Mais pour avoir à manger, il faut le demander. Et moi, je ne parle pas la langue. Je ne sais que montrer du doigt, on n'a droit qu'aux patates bouillies. Alors, je mange mes patates bouillies, en regardant les autres s'empiffrer de caviar autour de moi, et en regrettant amèrement de ne pas parler la langue.


Donald Westlake, Adios Schéhérazade


Imaginons que l'on remplace écrivain par blogueur... Ça devient carrément drôle !

mardi 8 décembre 2009

Pas de printemps pour Lucie


Que feriez-vous, vous ?
Vous écrivez depuis plus de vingt ans, au départ vos livres se vendaient plutôt bien, puis de plus en plus mal, à tel point que votre dernier manuscrit est refusé par votre éditeur.
Un type que vous n'avez pas revu depuis vingt ans vient vous saluer dans une bibliothèque, vous savez que ce salopard écrit, lui aussi, sauf qu'il est millionnaire et célébré par le monde des Lettres et béni par les dieux des ventes.
Ce que vous ignoriez, en revanche, c'est qu'il est en plein divorce, son deuxième à vrai dire, et que son épouse compte bien lui faire cracher son pognon. Jusque là que du banal.
Puis vos yeux s'écarquillent à mesure que vos oreilles frémissent : le type, en mal d'inspiration et devant rendre un manuscrit dans quelques semaines, vous propose de lui filer le vôtre, de n'en rien dire, de vous asseoir sur votre nom, et de recevoir un versement de plus de cinq cent mille dollars.
Mais ce n'est pas tout : vous devez également... tuer sa femme.

Alors, que feriez-vous ?
Wayne, lui, adoubé et même encouragé par sa femme (une qui travaille dans le social, c'est dire sa perversion), ne se pose guère longtemps la question : il invite la supposée future ex-femme de l'écrivain millionnaire (Bryce) au restaurant, lui fait croire qu'il est en train de divorcer lui aussi, monte ensuite chez elle et, après une question anodine de la femme de Bryce, lui décoche un coup de poing dans le ventre. Geste non prémédité, la machine à tuer est lancée. Un ballet macabre s'ensuit. la femme se retrouve coincée au sol, sanguinolente. Wayne tente la strangulation, puis le coup du lapin. En vain. Elle respire toujours. Il faut l'achever. Il prend alors une petite table lourde et lui explose le crâne. Il fallait. Il fallait. Plus possible de reculer.
Voilà notre femme morte. Et Wayne sur elle. Qui commence à bander. Oh putain de putain, je vais pas commencer à vouloir me la baiser, en plus, qu'il commence à s'affoler, notre consciencieux artisan. Heureusement, la femme s'est chiée dessus. Wayne débande, il peut partir.

Les jours passent, les flics enquêtent, le manuscrit est remis à l'éditeur, l'argent est versé, Wayne ne pense plus qu'épisodiquement à son assassinat, qui n'en est plus un, de toute façon, même pas un cauchemar, un simple film, un mauvais film, dont il a eu la malchance d'être spectateur.

Mais Bryce, lui, regrettera longtemps de n'avoir pas pu contempler, ou mieux encore, effectuer ce meurtre.
Ça fait comment, un visage qui éclate ?...

vendredi 4 décembre 2009

Les mystères des groupies du Beuche


Beuche, jusqu'à hier, était estomaqué de compter cinq membres à son blog. Cinq membres, vous vous rendez compte ? Cinq membres, dont quatre très silencieux. Etre membre chez Beuche : qu'est-ce que ça veut dire ? Quel est l'intérêt ? Beuche ne le sait. Mais il est content, le Beuche, de voir qu'il a des membres.

Jusqu'à hier.

Car aujourd'hui, en regardant ses petits carrés, il vit la silhouette inconnue jusqu'ici d'une nouvelle membre ! Et de six, Beuchounet !

Nelly, qu'elle se fait appeler. Moche, grosse, bête et inutile : je m'emmerde et je tiens à vous le faire savoir, qu'il y a d'écrit sur le frontispice de son blog.

Des promesses pareilles, ça l'émoustille, Beuche, qu'est-ce que vous voulez, il n'y puit résister : comment qu'elle s'emmerde, la Nelly ?

Hélas, chère Nelly, votre blog est désepérément vide lorsque Beuche s'y rend : aucun message ne correspond à votre recherche.

Et Beuche est très pascalien dès lors qu'il s'agit de vide.

mercredi 2 décembre 2009

Beuche aime bien les québecquoises, parfois


Beuche doit bien l'avouer : il a une passion immodérée, et depuis fort longtemps, pour celles que Georges le Charitable appelle les couineuses, pour celles que sa comtesse nomme gracieusement les "pouffes", pour celles qui gémissent en guise de chant, pour celles dont on se demande si la mue s'est bien déroulée, pour celles qui sont au chant ce qu'Anie Ernaux est à la littérature ; un plaisir "honteux", la branlette dans le placard, la voix de la chagatte.

Oui, Beuche, en ce moment, en attendant la livraison de son Ipod (c'est trop lourd à porter), écoute en boucle Coeur de pirate !

Une voix nasillarde à s'en cogner la tête, un timbre juvénile à la limite du ridicule, des bruits de gorge que l'on entendrait bien en d'autres circonstances (...), des textes consternants, des mélodies faciles - quel plaisir !

samedi 28 novembre 2009

Béatification


Il faut que Beuche l'écrive, il faut que Beuche le proclame, il faut que Beuche l'avoue, il faut que ses lecteurs le sachent : Beuche est à un tournant capital de son évolution spirituelle.

Désormais, Beuche ne jure plus que par la télévision.


Écoutez plutôt :

Hier soir était diffusé sur la chaîne de toutes les inspirations beuchiques "Le plus grand quizz de France".

Nous épargnerons, dans un but de salutaire concision, la narration du principe et des modalités de ce jeu, sorte d'annoblissement de la non moins précieuse émission "Qui veut gagner des millions ?" qui souffre sans doute injustement d'un préjugé aussi mesquin que tenace selon lequel l'élitiste Julien Lepers et son inaltérable "Questions pour un champion" serait le seul réceptacle du public cultivé. Point de Foucault (Jean-Pierre, pas Michel, bande d'ignares), donc, mais Christophe Dechavanne.

Christophe Dechavanne, le nouveau maître de Beuche. Christophe Dechavanne, celui qui a, très dignement, avec la solennité qui lui est propre et cette fermeté dans la voix qui vous impose sans ostentation ni contestation possible la grandeur d'esprit et l'irréfutabilité du propos, après qu'Alexia Laroche-Joubert, productrice d'émissions télévisées de son état, ait, sympa et accesible comme elle est, envoyé une petite vanne bien rigolote, on déconne grave quoi !, Christophe Dechavanne, donc, déclara, la tête haute et le regard face à la caméra :

« Et dire que cette dame est aussi directrice de la Star Academy, on a du mal à le croire ! »


Et comment donc !

Vous rendez-vous compte, Chers et fidéles lecteurs ? On peut être directeur de la Star Academy et aussi savoir ne pas se prendre au sérieux !....

Beuche en est tout retourné, cette information fait pour lui office de révélation, presque d'évangile !...

Lui qui pensait naïvement, jusqu'à présent, que cette référence absolue qu'est la Star Ac' interdisait toute légèreté, toute distance, toute ironie...

Tout n'est pas perdu, donc.


Et Beuche s'est agenouillé devant l'autel télévisuel, les larmes chaudes de l'émotion et de la gratitude coulant sur ses joues brûlantes, et son âme, oh, son âme, incadescente, et légère, légère, communiant avec les hertz, et Beuche a crié "Alleluïa" !


Amen.

mercredi 25 novembre 2009

Sale pute


« Tu prends combien ? »
« C'est deux dollars, mon chou. »
En voilà trois. Je les détache négligemment, comme si ce n'était rien du tout, et je me fends même d'un sourire parce que réellement l'argent ne compte pas, là d'où ça vient il y en a toujours, même qu'en ce moment précis la Mamma est près de sa fenêtre à guetter le retour du Vieux en disant son chapelet, mais pour ce qui est de l'argent il y en a, il y en a toujours. Elle le prend et le glisse sous l'oreiller. Son sourire est différent à présent, comme reconnaissant. L'écrivain veut causer ? Eh bien on va causer. Comment ça marche le boulot ces temps-ci ? Est-ce que ça lui plaît, ce genre de vie ? Oh, dis, chéri, la barbe avec ça, on causera de ça plus tard, pour le moment on a mieux à faire. Non, non, je veux causer, c'est important, prochain livre, source, matériaux. Je fais ça souvent. Et comment t'en es arrivée là, à faire ce métier ? Oh, chéri, merde, tu veux quand même pas causer de ça aussi ? Mais l'argent n'est pas un problème, je te dis. D'accord, mon chou, mais mon temps à moi il est précieux. Bon, tiens, voilà encore deux billets. Ça fait cinq, mon Dieu, cinq dollars et je ne suis pas encore dehors, oh, comme je peux te détester, sale pute. Mais tu es quand même plus propre que moi, parce que toi au moins tu n'as pas d'esprit à vendre, juste ta pauvre viande.

John Fante, Demande à la poussière

mercredi 18 novembre 2009

Concessions infimes


Ce n'est un secret pour personne, ses fidèles lecteurs le savent bien, Beuche adore se cultiver. Qu'il se brosse les dents, qu'il lise Cioran, qu'il regarde Zodiac, qu'il prenne le train ou qu'il regarde les nuages, Beuche vit pour et par la culture.

Ainsi, hier soir, il a regardé "Confessions intimes".

Des "monsieur et madame tout-le-monde" se font filmer dans leur quotidien (difficile, forcément difficile) afin d'édifier le télespectateur et de tenter de trouver une solution au mal qui les ronge. Quelques mauvaises langues disent qu'il s'agit de cas sociaux. Beuche, lui, toujours aussi magnanime, y voit pour sa part, au contraire, des exemples concrets de l'incarnation de grandes thèses philosophiques.

Et en effet. Hier, la thématique implicite semblait être l'existentialisme. Écoutez plutôt !

Jeannine : - Oh tu m'fais chier là putain, y a plus rien là quand tu m'parles, c'est com' si j'étais d'la merde...

Jean-Claude : - Ouais ça va là tu veux quoi là ? J'en ai marre moi d'toi, t'es rien du tout quoi !

- Quoi ? rien du tout ? (elle commence à chialer)

- Ouais t'es rien, tu fais pas l'ménage, tu fais pas la bouffe, tu fais rien alors t'es rien !

Mais c'est bien sûr ! Jean-Claude est sartrien ! L'homme est ce qu'il fait, disait le castor borgne. Or, Jeannine ne fait rien, donc elle n'est rien ! Quel bon sens ce Jean-Claude ! Quel sens de la déduction !

Ah vraiment on peut pas dire, hein, sans TF1, qui parlerait avec autant d'ardeur de Sartre ? Qui ?

vendredi 13 novembre 2009

Les trous de San Francisco


On est seul. On essaie de gagner sa vie en vendant des sandwiches. On traîne. On n'a pas d'espoir, ni même de désir, pas même celui de mourir. On se traîne. Et puis vient une femme, dont on tombe amoureux, éperdument, et il n'y a rien d'autre, fatalement, pour combler l'ennui, pour faire danser sa vie, autrement. La femme est folle, maniaco-dépressive ou un truc dans le genre. Alors ils se traînent, elle le traîne, jusqu'au suicide conjugal. Mais ça ne suffira pas.


Willeford est un très grand écrivain, injustement ignoré de son vivant, et encore plus, peut-être, depuis sa mort.
Aucun chichi, pas de fioriture, une écriture qui ne se pose pas de question, qui va direct à l'os, sans aucune concession. Pas de violence tape-à-l'oeil, non plus, rien de gratuit, aucun effet, l'Humain dans sa crudité, sa misère.
Cette sagacité, cette honnêteté, ses congénères ne la lui auront jamais pardonnée. Quelle meilleure vengeance que l'oubli ?

dimanche 8 novembre 2009

Épouvantable


Beuche doit le confesser à ses fidèles lecteurs : parfois, il lui arrive de regarder la télévision. Il arrive même qu'il la regarde allumée, pas comme un simple objet, mais aussi, donc, comme une machine qui pourra remplir une fonction, sa fonction. Bien.
Il y a quelques instants, donc, il regarda une émission à la télévision.
Et là, mes braves, Beuche y vit une femme d'une laideur épouvantable, grandiose, formidable : Nathalie Dessay.
Du haut de sa naïveté, Beuche n'aurait jamais pu imaginer un seul instant qu'une chanteuse lyrique autant reconnue, censée représenter, incarner et perpétuer le génie de la musique, la somptuosité du lyrisme, l'aristocratie de la voix et du souffle, pouvait être aussi laide.
Tout est laid chez cette femme : sa voix lorsqu'elle parle, son regard bovidé, son expression faussement exaltée, ses traits corrompus et forcés. Et ses propos. Ses propos, Mon Dieu.
Rendre populaire l'opéra. Connaître et aimer NTM. L'identité nationale caca. Les gens tu vois c'qu'ils veulent c'est trouver du boulot et pouvoir bouffer quoi.
C'est donc ça la musique aujourd'hui ? C'est donc ça la voix de Mozart et de Puccini aujourd'hui ?
Ça lui faisait pourtant plaisir, à Beuche, d'imaginer qu'un monde plus haut que lui existait et qu'il pourrait, peut-être, un jour, partir à sa découverte, tandis que d'autres partiraient à sa conquête.
Mais non. Nathalie Dessay écoute NTM et pense à trouver du boulot pour pouvoir bouffer.
Mais non. Nathalie Dessay se tape de NTM et est pleine de fric.
Et elle vous emmerde, bande de cons.
Cette affreuse mégère apprivoisée.

Ajout du 13 novembre :
S'il faut en plus se la taper sur France Musique... « Le chef d'orchestre c'est mon papa et le metteur en scène c'est ma maman. »« Moi j'ai un boulot c'est chanter. »
Si seulement elle pouvait éviter de parler...

jeudi 5 novembre 2009

Appel à mes pochtrons

Chères clientes, chers clients,
Beuche étant d'humeur badine et de nature joueuse, il propose à ses soiffards un petit jeu (si tant est que l'on puisse appeler ça comme cela).
Chacun d'entre vous est prié de me donner le titre d'un livre, d'un seul livre, celui qu'il tient comme le plus (ou un des plus) important(s) à ses yeux, et de dire pourquoi.
En retour, Beuche le lira, et en proposera une petite critique, ou du moins dira ce qu'il en aura pensé.

mardi 3 novembre 2009

Rien à dire

Beuche n'arrête pas de le dire, il faudrait qu'il en tire toutes les conséquences : il n'a rien à dire. Ou plutôt, il ne sait rien dire, ou pas grand-chose. C'est comme sur un divan de psychanalyste : on parle, le silence nous répond, ou quelques mots, et on se rend compte que là, la parole est un acte, et un acte en pure perte.
C'est cette perte qui est douloureuse. Et l'espoir d'un écho, d'un mot, d'un geste, d'un signe, fait que l'on ne peut pas ne pas se rallonger. Et rend la dépendance inexorable.

(photo prise par Beuche)

vendredi 30 octobre 2009

Sollers ou Renaud Camus ? L'éthique et les murs.

Sollers parle à qui veut l'entendre de la "France rancie", dont je suis l'un des meilleurs représentants moi c'est la "France pelée" qui m'obsède douloureusement. Partout, dans les villes anciennes comme dans les villages, on a enlevé les crépis, qui étaient la couleur même du temps. Il n'y a pas une façade, un mur, un clocher qui ne montre et n'étale ses pierres et ses briques en désordre, celles qui n'avaient été posées que pour être cachées. À Saint-Cirq-Lapopie la belle grosse tour de l'église est décrépie d'un côté, juste assez pour laisser paraître combien les autres pans sont plus poétiques, plus vrais, plus subtilement mélangés à l'air et au ciel, au fond du paysage. À Figeac c'est un véritable cauchemar. Mises à part les quelques façades en pierre de taille, il ne reste pas un pan de mur pour dire l'histoire, la province, l'épaisseur des siècles. On a partout l'impression de liftings désastreus, d'opérations douteuses, de tentatives suspectes pour changer de couleur, comme si la peau de la France était celle de Michael Jackson, et qu'il en manquât une couche.
Renaud Camus, Rannoch Moor, p.103

(La photo illustrant ce petit billet a été prise par Beuche (comme d'autres sur ce blog) à Pompignac, non loin de Couffouleux, dans le Tarn.)

jeudi 29 octobre 2009

Complainte de l'internaute


Je m'ébats dans la boue à mesure que je me frotte aux bits, je bouffe la boue, je respire la boue, j'attire la boue, je ne peux me défaire de la boue, vers laquelle je me tends de toute ma faiblesse, avec toute mon avidité, mon impatience, ma goinfrerie.
Les roquets du web m'écoeurent et j'accours, je guette, j'épie, je hurle et me fouette, je suis l'internaute endémique, contagieux amoureux cramoisi, ma souris est ma bite, mais elle ne lâche jamais son foutre, elle navigue, je navigue, à coups de trique vide qui ne me videra jamais de toute ma merde, que j'essaie de répandre en la transformant en lettres, coûte que coûte, vaille que vaille, exhibant la tripaille, combattant la tripaille, avalant la tripaille, pensant faire ripaille et n'étant que cobaye !

mardi 27 octobre 2009

Nouvelle astuce grammaticale


Mes chers piliers de bar,
Si vous ne savez plus quel accent prend le e du mot "grève", vous remplacez ce e par un a, ce qui vous donne le mot "grave".
Or, "grave", mes braves, c'est aussi un accent ! L'accent grave ! Celui qu'il faut au premier e du mot "grève" !
C'est-y-pas judicieux ?

C'est une astuce certifiée et inventée par ma fille de dix ans, révélée par elle à votre Beuche ce soir même.
Autant dire qu'elle fera date dans l'histoire de notre langue.

lundi 26 octobre 2009

Du fond de ma boue


Yahvé règne! Exulte la terre,
que jubilent les îles nombreuses!
Ténèbre et Nuée l'entourent,
Justice et Droit sont l'appui de son trône.

Un feu devant lui s'avance
et dévore à l'entour ses rivaux;
ses éclairs illuminent le monde,
la terre voit et chavire.

Les montagnes fondent comme la cire
devant le Maître de toute la terre;
les cieux proclament sa justice
et tous les peuples voient sa gloire.

Honte aux servants des idoles,
eux qui se vantent de vanités;
prosternez-vous devant lui, tous les dieux.

Sion entend et jubile,
les filles de Juda exultent
à cause de tes jugements, Yahvé.

Car toi, tu es Yahvé,
Très-Haut sur toute la terre,
surpassant de beaucoup tous les dieux.

Yahvé aime qui déteste le mal,
il garde les âmes des siens
et de la main des impies les délivre.

La lumière se lève pour le juste,
et pour l'homme au cœur droit, la joie.
Justes, jubilez en Yahvé,
louez sa mémoire de sainteté.

En 1924, les joies de la diversité, déjà...

Il y a probablement des centaines de siècles que l'Homme s'est répandu sur la terre. Au-delà de 2500 ans, les origines de la France se perdent dans les conjectures de la nuit. Une vaste période ténébreuse précède notre histoire. Déjà, sur le sol de notre pays, des migrations et des conquêtes s'étaient s'étaient succédé, jusqu'au moment où les Gaëls et Gaulois devinrent les maîtres, chassant les occupants qu'ils avaient trouvés ou se mêlant à eux. Ces occupants étaient les Ligures et les Ibères, bruns et de stature moyenne, qui constituent encore le fond de la population française. La tradition des druides enseignait qu'une partie des Gaulois était indigène, l'autre venue du Nord et d'outre-Rhin, car le Rhin a toujours paru la limite des Gaules. Ainsi, la fusion des races a commencé dès les âges préhistoriques. Le peuple français est un composé. C'est mieux qu'une race. C'est une nation.
Unique en Europe, la confirmation de la France se prêtait à tous les échanges de courants, ceux du sang, ceux des idées. La France est un isthme, une voie de grande communication entre le Nord et le Midi. Il y avait, avant la conquête romaine, de prodigieuses différences entre la colonie grecque de Marseille et les Cimbres d'entre Seine et Loire ou les Belges d'entre Meuse et Seine. D'autres éléments, au cours des siècles, se sont ajoutés en grand nombre à ceux-là. Le mélange s'est formé peu à peu, ne laissant qu'une heureuse diversité. De là viennent la richesse intellectuelle et morale de la France, son équilibre, son génie.

Il est utile de rappeler que Jacques Bainville fut un éminent membre d'Action française, groupe d'extrême-droite royaliste, contre-révolutionnaire, réactionnaire et anti-parlementaire.

Et Beuche ne peut résister de citer Céline, par la voix de Bardamu, pour faire écho à ce texte :

« Si donc ! qu'il y en a une ! Et une belle de race ! qu'il insistait lui, et même que c'est la plus belle race du monde et bien cocu qui s'en dédit ! » Et puis, le voilà parti à m'engueuler. J'ai tenu ferme bien entendu.
« C'est pas vrai ! La race, ce que t'appelles comme ça, c'est seulement ce grand ramassis de miteux dans mon genre, chassieux, puceux, transis, qui ont échoué ici poursuivis par la faim, la peste, les tumeurs et le froid, venus vaincus des quatre coins du monde. Ils ne pouvaient pas aller plus loin à cause de la mer. C'est ça la France et puis c'est ça les Français. »

La grande gerbe


Un jeune arabe se tue en voulant échapper à un contrôle de police, c'est la faute à la police.
Un homme se défend, lui et sa famille, contre un agresseur venu chez lui, dans des circonstances atroces ; cet agresseur est neutralisé et meurt : ce n'est que la faute à sa victime.
Des supporters de football saccagent des quartiers entiers de Marseille et jouent à la guérilla : c'est la faute à la Ligue de football.

Mais que sommes-nous devenus ? Jusqu'où allons-nous descendre dans l'ignominie ?
Quand allons-nous cesser d'inventer des coupables pour déresponsabiliser les vrais coupables ? Jusqu'à quand allons-nous nous chier dessus ?

dimanche 25 octobre 2009

« On n'habite pas un pays, on habite une langue. Une patrie, c'est cela et rien d'autre. »


De ce pays qui fut le nôtre et qui n'est plus à personne, vous me pressez, après tant d'années de silence, de vous donner des détails sur mes occupations, ainsi que sur ce monde « merveilleux » que j'ai, dites-vous, la chance d'habiter et de parcourir. Je pourrais vous répondre que je suis un homme inoccupé, et que ce monde n'est point merveilleux. Mais une réponse aussi laconique ne saurait, malgré son exactitude, calmer votre curiosité, ni satisfaire aux multiples questions que vous me posez. Il en est une qui, à peine discernable d'un reproche, m'a tout particulièrement frappé. Vous voudriez savoir si j'ai l'intention de revenir un jour à notre langue à nous, ou si j'entends rester fidèle à cette autre où vous me supposez bien gratuitement une facilité que je n'ai pas, que je n'aurai jamais. Ce serait entreprendre le récit d'un cauchemar que de vous raconter par le menu l'histoire de mes relations avec cet idiome d'emprunt, avec tous ces mots pensés et repensés, affinés, subtils jusqu'à l'inexistence, courbés sous les exactions de la nuance, inexpressifs pour avoir tout exprimé, effrayants de précision, chargés de fatigue et de pudeur, discrets jusque dans la vulgarité. Comment voulez-vous que s'en accomode un Scythe, qu'il en saisisse la signification nette et les manie avec scrupule et probité ? Il n'en existe pas un seul dont l'élégance exténuée ne me donne le vertige : plus aucune trace de terre, de sang, d'ame en eux. Une syntaxe d'une raideur, d'une dignité cadavérique les enserre et leur assigne une place d'où Dieu même ne pourrait les déloger. Quelle consommation de café, de cigarettes et de dictionnaires pour écrire une phrase tant soit peu correcte dans cette langue inabordable, trop noble, et trop distinguée à mon gré ! Je ne m'en aperçus malheureusement qu'après coup, et lorsqu'il était trop tard pour m'en détourner ; sans quoi jamais je n'eusse abandonné la nôtre, dont il m'arrive de regretter l'odeur de fraîcheur et de pourriture, le mélange de soleil et de bouse, la laideur nostalgique, le superbe débraillement. Y revenir, je ne puis ; celle qu'il me fallut adopter me retient et me subjugue par les peines mêmes qu'elle m'aura coûtées. Suis-je un « renégat », comme vous l'insinuez ? « La patrie n'est qu'un campement dans le désert » est-il dit dans un texte tibétain. Je ne vais pas si loin : je donnerais tous les paysages du monde pour celui de mon enfance. Encore me faut-il ajouter que, si j'en fais un paradis, les prestidigitations ou les infirmités de ma mémoire en sont seules responsables. Poursuivis par nos origines, nous le sommes tous ; le sentiment que m'inspirent les miennes se traduit nécessairement en termes négatifs, dans le langage de l'auto-punition, de l'humiliation assumée et proclamée, du consentement au désastre. Un tel patriotisme relèverait-il de la psychiatrie ? J'y consens, mais je ne peux en concevoir d'autre, et, vu nos destinées, il m'apparaît — pourquoi vous le cacher ?— comme le seul raisonnable.

Cioran, Histoire et Utopie, p.9-11, Gallimard, 1960


Cioran, né Roumain, exilé en France par choix au début de la seconde guerre mondiale, y mourra apatride de la maladie d'Alzheimer en 1995.